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Jour 67 – Monastère de Jikhetis

Le repos du corps et de l’esprit. Voilà comment nous pourrions résumer cette journée au Monastère. Une pause sacrée dans notre voyage qui nous a offert la possibilité de discuter théologie, culture et histoire géorgienne avec Sœur Nino. Le 12 mai étant un jour férié en Géorgie, aucune nonne ne travaillait, seuls les hommes vaquaient à quelques occupations dans les jardins ou les maisons. Et qui dit jour férié, dit aussi nombreux visiteurs qui sont venus pour prier et se reposer eux aussi. Il faut dire que le magnifique soleil et sa douce chaleur ne pouvaient que donner envie de venir dans la fraicheur des hauteurs à l’ombre des arbres. 

Ici au Monastère de Jikhetis, la vie est bien ordonnée. Père Andrew et Mère Irina en sont les chefs d’orchestre qui décident quelle mélodie doit être jouée chaque jour. Si telle ou telle nonne va être aux cuisines pour la journée, ou bien tenir la boutique, ou encore s’occuper du potager. Certaines ont un statut un peu spécial, car elles sont les seules à maitriser certaines disciplines (ou à avoir étudier pour avoir les connaissances sur un sujet). C’est le cas par exemple pour l’entretien du potager ou des ruches, où les nonnes étaient complètement novices au début, mais ont voulu mettre en place cela pour la communauté. Tout comme Sœur Nino qui a appris par elle-même l’anglais, et qui le parle très bien aujourd’hui. La mélodie est si douce, que chaque jour, vous pourrez l’entendre aux repas ou à l’office du soir. Au nombre de trois, les repas sont à 4h, 11h et 16h pour les nonnes (les hommes mangeant avant ou après, cela dépend). Ces moments sont privilégiés pour qu’en même temps que le corps soit nourri, l’esprit puisse l’être aussi. Une des nonnes va alors lire le Livre des Saints pendant les repas et un autre livre qui change régulièrement. Puis, il y a l’office de 18h dans la chapelle, où une lecture de la Bible est faite pendant presque une demi-heure. C’est à ce moment-là que nous nous disons qu’il est possible de rester ébahi devant une lecture, tant la voix de la nonne résonne profondément en nous, tant la fluidité de ses paroles est harmonieuse et limpide. Claire comme peut l’être cette « petite » famille d’une vingtaine de religieux qui réussit à vivre dans un petit havre de paix au beau milieu de la forêt et la montagne.

Ici au Monastère de Jikhetis, il n’y aura pas de changement d’heure en été. Mais nous ne nous en rendrons compte que le soir venu, quand Sœur Nino nous invite à l’office. C’est à ce moment que nous comprenons qu’il y a un décalage, et que le repas n’avait pas été servi à 16h00, mais 17h00. D’où l’attente pour Kikinette qui pensait être à l’heure, mais était en fait bien trop en avance. Kiki lui, pendant que Kikinette patientait pour son repas, a réussi à se faire inviter à manger par des visiteurs qui profitaient des tables de pique-nique à l’extérieur du Monastère. Il n’y avait que des femmes, une vingtaine, toutes mères d’un ou plusieurs enfants qui jouaient dans l’herbe un peu plus loin. Sur la table, de la nourriture pour suffit une légion, et des bouteilles de 5L de vin maison. Pendant l’heure où il resta en leur compagnie, Kiki ne verra jamais son verre ou son assiette vide. Toutes voulaient qu’il goûte à ce qu’elles avaient cuisiné. L’accueil à la géorgienne est vraiment top lui aussi, et sa gastronomie bien festive. Tout comme pouvaient l’être les femmes qui chantaient, jouaient d’un instrument à cordes (non identifié) et dansaient. Elles ont même réussi à faire danser Kiki sur l’un des airs traditionnels. Mais comme toutes les bonnes choses, il y avait une fin, et toute la joyeuse bande devait s’en rentrer à Batumi. L’occasion pour Kiki de prendre son deuxième repas avec les hommes aidant au Monastère. Et là encore, Kiki a eu le droit de goûter au Chacha, un alcool distillé ici même par les nonnes pour les invités, un alcool ressemblant fortement à de la vodka et se buvant en shot. Comment vous dire que la journée de Kiki a été très locale et reposante.

La journée a aussi été musicale. Outre les cantiques des nonnes, nous avons eu le droit à une polyphonie géorgienne interprétée par un père et ses deux enfants (7 et 10 ans). Le calme plat de la montagne s’est alors transformé en une musique extraordinaire aux accords si nouveaux pour nous. Chaque personne du trio chantant sur une tonalité totalement différente, dont le mélange créait une harmonie parfaite. Vraiment parfaite. De quoi avoir les larmes aux yeux en entendant chaque note qui sortait de leurs bouches. Nous étions stupéfaits qu’à un si jeune âge leurs voix puissent donner autant de puissance et de corps à ce chant folklorique géorgien. Dans tout le Monastère, personne ne pouvait rester insensible à cette mélodie. 

Tout comme nous ne pouvions l’être quand Sœur Nino nous a fait faire un tour du propriétaire. Au fil des années, le Monastère s’est consolidé avec de nouvelles constructions ici et là pour subvenir à l’agrandissement de la communauté. Il y a même un énorme bâtiment qui pourrait servir de maison principale pour tout le monde, mais la personne qui voulait l’offrir n’avait plus assez d’argent pour terminer son cadeau. Du coup, il n’y a que la structure extérieure, tout l’intérieur étant à aménager entièrement. C’est dommage pour eux, mais comme Sœur Nino nous l’a expliqué, ils n’ont pas les moyens aujourd’hui pour terminer ce bâtiment qui pourrait leur être très utile, plus utile que les petites maisons individuelles qu’ils ont actuellement et qui ne sont ni isolées, ni bien chauffées. Il y a aussi ce petit bassin, caché à l’arrière d’un petit chemin. Il est sacré. Ici, les couples qui n’arrivent pas à avoir d’enfant viennent y prier puis s’immerger entièrement pour communier et demander l’aide du Seigneur. Nous aurons la chance d’entrapercevoir un couple se fondre dans l’eau « assez froide » en remerciement à l’enfant qu’il leur a été donné. La verdure est omniprésente ici, et pour vivre en autonomie la plus totale, outre les panneaux solaires et les récupérateurs d’eau, les nonnes ont leur propre potager et poulailler, et les deux méritent de s’y arrêter un moment. Le premier est assez grand pour faire pousser toutes sortes de légumes et fruits. Les Sœurs n’y connaissaient rien au début, jardinant avec des engrais et autres mauvais pesticides, avant de se tourner vers une agriculture plus saine et plus respectueuse de la nature, proche de la permaculture. Paillage, réduction de l’eau, association des plantes entres elles, tout est mis en place. Il y a même ce procédé intéressant pour réchauffer naturellement la terre qui consiste à laisser une bande neutre assez large au milieu de deux plantations pour y mettre uniquement le compost. Ce dernier va alors diffuser sur les racines directement. Aujourd’hui, elles produisent assez pour toute l’année, pouvant subvenir à leurs besoins. Puis il y a le poulailler. Ô combien Kiki aurait voulu connaitre ce que les nonnes utilisent au Monastère pour ne pas devoir nettoyer les excréments des poules. Elles utilisent des sortes de copeaux de bois, qui vont agir comme la litière d’un chat, absorbant les déchets et n’ayant besoin d’être changés que tous les 3 à 4 ans. Et ce dernier pourra alors être réutilisé pour le potager. La boucle parfaite.

Puis nous avons eu une longue discussion sous un arbre vieux de plusieurs centaines d’années. Une discussion aussi bien théologique que sociétale avec Sœur Nino. Le thème était la place de la femme dans le quotidien. Quelle ne fut notre surprise après cet échange. Nous étions loin de la vérité à penser qu’ici les femmes étaient indépendantes. Elles le sont sous un certain angle, mais Sœur Nino nous explique que dans la société, comme dans la religion, la femme se doit d’obéir à son mari qui est le fondement même de la famille. Pour elle, si Dieu créa Adam puis Eve, c’était pour que l’homme guide la femme, et que cette dernière l’aide de son mieux. Pour elle, une femme ne devrait pas aspirer à diriger un pays ou vouloir une place importante, car cela signifie que l’homme de la famille est faible, et l’homme ne doit pas être faible si il veut rendre grâce à Dieu. Et Dieu l’abandonnera si il ne peut montrer une foi inébranlable en lui. Nous n’irons pas contre son avis, ni même n’essayerons de lui dire ce qu’il se passe en France. Chaque personne ayant le droit d’avoir ses propres convictions et croyance, et il ne nous appartient pas de les remplacer par les nôtres. Nous sommes des invités ici. A nous de nous adapter à la culture dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Et aujourd’hui, nous avons eu une parfaite journée de détente sous le soleil géorgien.

Jour 68 – Monastère de Jikhetis à Kutaisi

Une journée marquée par le deuil. Le deuil de l’une de nos deux mascottes partie trop tôt… Depuis sa nacelle au soleil sur le côté du vélo de Kikinette, sa mascotte a décidé de rester dans les montagnes du Monastère de Jikhetis. Kiki a eu beau refaire tout le chemin en sens inverse, parfois, il n’y a pas de miracle, juste une histoire que l’on peut raconter après. Celle d’une mascotte qui n’aura pu voir que quatre pays, alors même qu’elle était toute jeune et pleine de rêve. Seul demeure, Kiki, premier du nom, bien attaché dans le sac pour ne pas lui laisser l’occasion de se faire la malle lui aussi. Il a encore du travail à faire pendant ce voyage ! L’ambiance n’était pas au beau fixe après cette terrible perte, mais rien qui ne puisse nous arrêter d’aller vers demain.

Le soleil était là lui aussi pour nous pousser vers notre prochaine destination : Kutaisi. La deuxième ville du pays. Dans un pays où il y a 4 millions d’habitants, nous ne pensions vraiment pas qu’elle serait aussi « petite », la moitié de Nice environ. Ici, vous ne trouverez que des maisons individuelles avec un jardin. Il y a bien quelques immeubles dans le centre, mais ils ne dépasseront rarement les trois étages, parfois quatre, mais il s’agit d’exceptions à la règle. Vous entrez dans la ville par d’immenses boulevards de deux fois trois voies, puis comme partout en Géorgie, vous découvrez les affres de l’asphalte qui ont rongé la route créant des déformations ici et là. Les conducteurs ne suivent plus une ligne blanche, ils slaloment pour éviter les trous, quitte à devoir venir sur la voie inverse. Un véritable sport national. Puis il y a un hyper centre, vraiment très très petit, en cinq minutes vous avez fait le tour. Les immeubles sont dans un style ancien et tous bien entretenus. Vous y trouverez un opéra, un théâtre, de luxueux hôtels, des jardins bien entretenus, quelques restaurants et bars, et une multitude de comptoirs de change. Mieux vaut faire le tour et prendre cinq minutes pour comparer et chercher le meilleur taux, car ils peuvent varier énormément d’une rue à l’autre. Kutaisi s’étend ensuite sur quelques kilomètres que vous pourrez sillonner à pied comme nous, mais vous ne trouverez pas grande chose, vous passerez juste entre les maisons. Les magasins sont soit concentrés dans l’hyper centre, soit à l’autre bout de la ville où se trouve la gare routière et ferroviaire. Là-bas se trouvera aussi un marché ouvert où vous trouverez certainement votre bonheur si vous voulez faire quelques courses.

Ne cherchez pas d’hôtel à prix modeste dans le centre, il n’y en a presque pas. Nous, nous avons opté pour la chambre chez l’habitant. 15L par personne la nuit reste un coût très intéressant et nous a permis de nettoyer notre linge à nouveau. Au hasard de notre recherche, nous sommes tombés sur la « White House » et avons été accueilli par une grande famille qui avait l’étage complet d’un immeuble. Nous, nous avons eu notre chambre pour nous reposer, et notre confort pour la nuit. Le temps de nous débarbouiller, nous sommes partis nous balader sur les hauteurs de la ville pour admirer la Cathédrale Bagrati. Un point de vue magnifique sur toute la ville nous était donné après une demi-heure de marche. A l’horizon, des petits toits pointus, encore et toujours, puis au loin, les montagnes enneigées qui nous rappellent le climat si particulier du pays. A l’intérieur, nous découvrons un édifice majestueux dans ses proportions mais tout simplement « vide » à l’intérieur. Il y a bien les icônes Orthodoxes qui sont présentes un peu partout, mais nous nous étonnons que les murs et les plafonds soient si communs. Toujours pas une seule fresque ou peinture. Que s’est-il donc passé ici pour que les Eglises soient ainsi. Un mystère à découvrir. Mais nous ne pourrons le faire que le ventre plein et l’esprit reposé d’une bonne nuit de sommeil.

Jour 69 – Kutaisi

Au petit matin, pas un bruit. Nous sommes dimanche, il est 8h00, et la ville comme la maisonnée semblent endormies. Nous nous préparons doucement de notre côté afin d’entamer nos visites. Il nous faudra une petite heure pour rallier la gare routière à l’opposé de là où nous sommes pour chercher un moyen de nous rendre aux Caves de Prometheus. Nous avons eu beau demander aux chauffeurs de bus et autres personnes à côté, personne ne connaissait le bus pour y aller. Mais comme par hasard, les taxis eux y allaient. Il faut dire que tous les panneaux dans les bus qui passaient devant nous étaient écrits en géorgien, et impossible pour nous de les comprendre. Seuls les bus pour Tbilissi ou Batumi étaient dans notre alphabet. Du coup, nous voilà obligés de prendre un taxi pour faire les 20km qui nous séparent des caves. Sachez-le, il existe bien un bus, le n°44 qui pour 1L vous emmènera au même endroit, mais encore faut-il le savoir, ou avoir des personnes pour vous le dire. Nous avions la tête des touristes, alors forcément nous devions avoir de l’argent pour prendre le taxi… Ce mauvais traitement ne ternira pas dans tous les cas notre image des géorgiens, et ne nous empêchera de découvrir une beauté naturelle sans commune mesure.

Prometheus Cave est à une demi-heure de Kutaisi, dans les montagnes. Le détour en vaux la chandelle tant que vous êtes dans la région. Nous avons ainsi pu visiter sur presque deux kilomètres de parcours des caves naturelles, parmi les plus grandes au Monde. Mises en lumière, vous vous baladerez sur une petite musique classique pour admirer les formations rocheuses et les bassins souterrains. L’eau s’écoule ici et là. Le clapotis des gouttes rythmera vos pas. Les stalactites parsèment la voute comme un ciel étoilé et nous sommes là à faire attention à ne pas nous cogner la tête dessus. C’est en petit groupe accompagné d’une guide que nous descendrons sous terre, puis que nous nous arrêterons dans telle ou telle salle immense pour recevoir quelques informations basiques sur l’endroit. Il fait bon de faire attention où l’on marche de peur de se retrouver le cul par terre. Aucun de nous n’expérimentera cela heureusement. Mais les flashs et les caméras ont scintillé de mille feu pendant toute notre visite. Chacun y allant de sa pose et de son caillou à capturer dans la petite boite noire. Nous en ferons de même, sans le flash, mais avec une longue pose, pour avoir nous aussi quelques souvenirs à partager sur ce lieu bien à part. Le retour à la lumière est assez perturbant après avoir passé presque une heure dans le dédale des caves. Mais nous ne voulions pas faire attendre plus notre chauffeur de taxi qui attendait sur le parking afin de nous ramener en ville.

Un moment s’écoule, nous marchons à la recherche de la petite échoppe qui remplirait nos panses. Nous en trouverons une avec quelques mets en vitrine qui pourra nous proposer une sorte de pizza avec de la mayonnaise dessus. Allez manger sans couvert un rond de pizza dégoulinant sans vous en mettre partout. Nous n’avons pas réussi. Heureusement, juste après, une boulangerie pour continuer le repas, après s’être ravitaillé avec des pains fourrés au fromage et au haricot. Mais que serait un repas sans un dessert et une bonne petite glace pour se rafraichir avec la lourdeur de la météo. Non pas qu’il y avait un grand soleil, mais le temps de revenir à notre point de départ, les gouttes commençaient déjà à tomber. Nous, nous étions dans un bus (trouvé grâce à l’aide d’un autre chauffeur de bus) pour partir visiter le Monastère Gelati. Un conseil, prévoyez d’y aller pour pique-niquer car l’unique bus qui fait la liaison ne passe que toutes les deux heures. Ou alors, vous pouvez faire la dizaine de kilomètres à pied si l’envie vous gagne. Nous avec la pluie, nous avons préféré attendre patiemment… Très patiemment. Il faut dire que le Monastère Gelati se visite en une grosse demi-heure, et encore, nous avons pris le temps dans l’Eglise principale de nous asseoir pour contempler l’ensemble des peintures. Celles-ci sont magnifiques. Nous comprenons pourquoi il est conseillé de visiter ce Monastère qui a su conserver ses couleurs et sa beauté intérieure en comparaison des autres Eglises que nous avons visité jusqu’alors. Partout où votre regard se portera, vous pourrez admirer une œuvre unique sur l’un des murs. Prenez le temps de vous asseoir vous aussi pour regarder chaque détail. En dehors de l’Eglise principale, il y a d’autres petits bâtiments extérieurs et une autre chapelle, qui hélas était en restauration en ce jour. Nous avons pu passer discrètement un œil par l’entrebâillement de la porte, pour se désolé de cet état temporaire compte-tenu des peintures magnifiques qu’il semblait y avoir à l’intérieur aussi.

Nous attendons un long moment, et nous ne craquons pas pour prendre un taxi pour nous redescendre plus vite à l’abri. Si le matin nous n’avions pas eu cette expérience avec les taxis, peut-être que nous aurions concédé à en prendre un en fin de journée. Mais là, nous avons mis notre patience à l’épreuve, et nous avons réussi. Au dehors la pluie n’arrête pas de tomber, nous restons tranquillement dans notre chambre avant de sortir le temps d’une accalmie à la recherche d’un petit restaurant. Nous en trouverons un qui nous proposera un repas gargantuesque que nous aurons du mal à terminer. Mais au moins, nous sommes rassasiés et frais pour reprendre la route.

Data depuis le début  

  • Kilomètres parcourus : 207,68
  • Temps de déplacement : 11h58m24s
  • Altitude : 709+ / 785-
  • Calories dépensées par personne : 5351
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