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Jour 112 – Boukhara à Navoï

Il est tôt. Nous voulons partir tôt. Nous avions bien prévenu la veille que nous prendrions notre petit-déjeuner tôt. Mais une fois debout, devant la table, nous devons attendre presque trente minutes avant de pouvoir prendre quelques forces. Les autres cyclistes arrivent au compte-goutte, alors nous papotons avant de nous activer à plier bagages pour s’éviter une autre journée à rouler sous la chaleur Ouzbek. Mais nous n’en ferons rien, elle est là, et nous devons composer avec elle, quitte à forcer un peu plus, à « moins » apprécier la route que nous faisons. Il faut dire qu’entre le thermomètre qui s’affole et les nids de poules dans la chaussée, nous devons rester constamment attentif à la route au lieu de vraiment profiter du paysage changeant. Nous passerons par une partie urbaine, avant d’en entamer une autre tournée vers l’agriculture, pour d’un coup se retrouver en plein milieu d’une zone totalement désertique, et enfin revenir vers une zone d’habitations. La journée nous aura fait voyager dans toutes les facettes de l’Ouzbékistan sans quitter la selle de nos vélos.

L’ombre des pilonnes électriques rétrécit de minutes en minutes. Le soleil arrivant à son zénith, nous trouvons un petit restaurant en bord de route. Le temps de se déchausser, nous voilà assis en tailleur à l’une des grandes tables. Le thé nous est servi directement, avant que nos brochettes de viande n’arrivent. Nous absorbons bien trois litres d’eau pour nous rafraichir durant le repas. Bien reposés et bien remplis, nous décidons de partir nous trouver l’ombre d’un arbre pour nous reposer un moment. Mais à peine nous remontons en selle qu’un homme parlant un peu français nous invite à dormir dans l’un des bâtiments de l’arrière-cour. Impossible de refuser, surtout qu’un petit courant d’air s’en échappe. Mais tout ce qui semble trop beau a toujours un petit imprévu. Les mouches. La pièce en est infesté par une bonne trentaine qui ne semblent pas vouloir partir. A intervalles réguliers, elles viennent nous embêter avant de se rendormir sous la chaleur ambiante qui semble les fatiguer aussi. Une bonne sieste plus tard, nous reprenons la route trois heures après nous être arrêtés.

Nous nous arrêtons à plusieurs reprises. Une première fois, en plein milieu du désert, dans une station-service abandonnée. Un vieux camion aux pneus dégonflés gît là, épave d’une autre époque. Le bâtiment avait perdu de sa couleur bleue éclatante avec le soleil. Il ne manquait plus que la botte de foin pour se croire dans un film. Puis, l’heure tournant, notre faim aussi, lorsque nous croisons sur la route une allée de petits stands familiaux proposant des fruits, nous ne pouvons résister. Nous nous asseyons pour déguster un délicieux melon et discutons un instant avec toute la famille, assez curieuse de nous voir en vélo. Comme à notre habitude, nous avons expliqué notre parcours, d’où nous venions, dit que nous étions mariés et que nous aurons des enfants après ce voyage pour ne pas avoir un tas de questions. Le principe de la famille et le fait d’avoir des enfants très jeunes est très important en Ouzbékistan, et la plupart des questions tournent autour de ça. Mais aujourd’hui, ils voulaient savoir comment nous vivions au quotidien, combien cela nous coûtait, comment nous avions fait. Il n’y a qu’une seule chose qu’ils n’arrivaient pas à comprendre, c’était le fait que nous allions travailler pendant notre voyage pour financer celui-ci. Pour eux, cela semblait impossible. Nous abandonnons la conversation sur le sujet pour reprendre notre chemin et nous trouver un endroit où dormir pour la nuit.

Jour 113 – Navoï à Samarkand

Si il y a bien une constante dans ce voyage pour Kiki, outre le fait de devoir trouver un réparateur pour son vélo dans chaque pays, c’est qu’il va au minimum être malade quelques jours. Toujours à cause de la nourriture de la nouvelle région traversée. Alors nous devons composer avec pour agencer notre parcours. Pour cette fois, le coupable est probablement le melon chaud de la veille, pourtant délicieux, mangé au bord de la route. Un petit plaisir qui en valait la peine. Alors nous roulons à la fraîche, partant vers 7h30, pour s’éviter les grosses chaleurs. Le soleil est déjà bien haut, bien fort, et à l’horizon, aucun nuage pour espérer un bref moment d’accalmie. Nous traversons de petits villages qui sont en ébullition dès les premières lueurs du soleil. Sur la route, un nombre impressionnant d’Ouzbeks attend un éventuel taxi ou minibus pour aller travailler ou faire le marché. Chacun attendant à bonne distance de l’autre. Les seuls groupes de personnes semblent être des familles. L’image est intéressante, tous les 100 mètres l’ombre d’une personne s’étire sur l’asphalte, la main en avant, avec l’espoir de voir passer un véhicule avec de la place. Parfois la chance leur sourit plus ou moins rapidement, mais nous voyons la plupart du temps des minibus bien plein passer et passer encore. Alors nous nous demandons combien de temps ces gens peuvent attendre chaque matin pour se rendre là où le vent les emporte. La patience doit être mère de toutes les vertus ici, surtout par une telle chaleur.

C’est en voyant les files à rallonge devant les stations essences que nous comprenons que peu de personnes utilisent véritablement leur propre véhicule pour se déplacer. Et quand nous disons stations essences, nous devrions plutôt parler de pompes à gaz plutôt. Le pays semble connaitre une situation de pénurie d’essence depuis quelques temps, faisant fermer la plupart des stations à essence que nous croisons sur notre route. Et seul le gaz semble avoir cours ici pour la majorité des véhicules, créant des files d’attente géantes aux abords des villes. Dans la première que nous croisons, plus d’une soixante de voitures étaient là, calmement à attendre de pouvoir passer à la pompe, nous rappelant nos épisodes en France lors des grèves. Sauf qu’aucune grève ne semble être à l’origine de ce phénomène en Ouzbékistan. Alors à la place d’avoir de véritables stations pour trouver de l’essence, nous en trouvons tout le long de la route avec des vendeurs à la sauvette. Un petit bidon de couleur jaunâtre indique qu’il est possible d’en acheter quelques litres. Nous repensons alors à tous les voyageurs rencontrés sur le bateau, en voiture ou en moto, et espérons qu’ils n’ont pas eu de problèmes de panne sèche en ne trouvant aucun endroit pour se ravitailler.

Il est 11h00 passé depuis un petit moment quand nous décidons de nous arrêter dans un restaurant en bord de route. Un peu d’ombre ne nous fera pas de mal. Là, nous sommes tels des animaux au zoo. Tout le monde nous regarde, nous scrute dans tous les sens. Nous devons avoir quelque chose de très particulier sur notre visage pour que personne ne se décide à retourner à ses activités. C’est bien l’une des choses les plus dérangeantes que de ne pas pouvoir manger sans que les personnes autour ne nous regarde mettre notre comca dans la bouche et nous bruler. La situation nous dérangeant plus aujourd’hui que les autres fois, nous partons au bout d’une demi-heure en nous faisant prendre pour de parfait touriste, payant une fortune nos deux pauvres comcas et notre bouteille d’eau. Kiki maugrée dans sa barbe, malade, de voir qu’il faut vraiment tout négocier, sous peine de se voir assassiner sur les prix pratiqués tout ça parce que nous sommes « touristes ». Ah le système occidental où tous les prix sont affichés peut parfois nous manquer. Nous repartons en plein soleil de midi vers la ville de Katta-Kurgan, tous les deux fatigués, et souhaitant se reposer dans une chambre pour le reste de la journée.

Sur le GPS, deux possibilités s’offrent à nous. Arrivés devant la première, l’homme nous apprend qu’ils ne font plus hôtel maintenant et qu’il n’y a rien d’autre dans la ville. Kiki veut croire en son application qui lui dit qu’un B&B se trouve un peu plus loin. En chemin, une voiture nous arrête pour discuter avec nous. A l’intérieur, Navruz, un jeune Ouzbek de 22 ans qui confirme les dires de l’autre homme. Nous voilà bien. Il nous propose alors de venir poser les vélos chez lui, juste au-dessus pour nous reposer un instant. Kiki malade, nous acceptons. A peine ouvre-t-il la porte du garage que nous découvrons derrière celle-ci une vaste cour avec plusieurs bâtiments autour. Toute sa famille nous accueille alors. Ils sont quatre frères vivant pour l’instant avec leur mère. Leur père est parti pour un an travailler en Russie. Et depuis quelques jours, la sœur de leur mère est arrivée de Saint Pétersbourg avec ses deux filles pour passer des vacances. Nous voilà accueilli dans la pièce principale, où l’on nous apporte des fruits frais et du jus de cerise fait maison. La douche nous sera préparée pour que nous puissions nous revigorer un peu. Une baignoire avec un sceau d’eau où nous puisons à l’intérieur pour nous laver. Rudimentaire mais vraiment efficace pour que Kikinette n’en mette pas partout. Nous commençons à discuter un petit peu à l’aide de nos téléphones, avant que Kiki ne s’endorme presque sur place. La chambre nous est alors proposée pour que nous puissions nous y reposer. Nous dormirons comme des tombes pendant presque trois heures, avant que Navruz ne nous réveille alarmé. Un ami à lui vient de lui dire que la police recherche deux français qui semble avoir disparu. La tête encore enivrée de sommeil, nous comprenons à moitié ce qu’il essaye de nous dire sur son téléphone. Sa mère commence alors à appeler plusieurs personnes, avant qu’il ne nous dise soulagé, qu’il s’agissait juste d’une (mauvaise) blague de leur de ses amis. Nous voilà soulagés de savoir qu’il n’y avait pas deux français perdus en plein milieu de l’Ouzbékistan.

L’heure tourne, nous discutons tous ensemble autour des fruits et gâteaux que la maman veut nous faire manger, avant de reprendre nos vélos et suivre Navruz en voiture. Il nous conduit à la station de taxi de la ville pour que nous puissions rejoindre Samarkand avant la nuit. Nous le quittons là, les vélos chargés tant bien que mal dans le coffre d’une voiture, et le remercions pour cet instant de repos bien salvateur. Kiki malade, nous ne voulons pas prendre de risques de continuer sous cette chaleur la route, alors nous arrivons une journée en avance. Là, à l’hostel, nous y retrouvons un motard italien que nous avions rencontré sur le bateau. Nous discutons une bonne heure dans la cour intérieure, posés sur les grandes tables avec du thé et des pommes, avant de finalement décider que l’heure était venue d’aller se coucher.

Jour 114 – Samarkand

Le temps. Une denrée que nous avons parfois en abondance et parfois qui se raréfie. Nous voilà à Samarkand pour encore quatre jours avant de repartir dimanche pour la capitale. Nous pouvons nous reposer. L’ambassade chinoise n’étant ouverte que le lundi, le mercredi et le vendredi, nous n’avons pas besoin de nous presser. Alors nous décidons de ne rien faire de notre journée, juste profiter du patio, discuter avec les autres pensionnaires de l’hostel, et faire le plein d’énergie. Sous les coups de 11h00, nous décidons enfin, après avoir fini notre énième tasse de thé, de partir faire quelques courses dans un supermarché non loin. Juste le temps de voir notre premier accident en live à un passage piétons. Une voiture rentrant dans une autre qui avait voulu s’arrêter pour laisser passer des gens. Ici, personne ne va gueuler, s’insulter. Les deux conducteurs sont sortis tranquillement, se sont serrés la main, puis ont regardé si les voitures avaient un problème ou non. Voilà comment se règle les accidents en Ouzbékistan. Intéressant. Nous, nous faisons le plein de légumes pour se mettre au vert pour les prochains repas. Cela ne nous fera pas de mal de ne plus manger quotidiennement autant de viande et d’oignons.

L’après-midi se passe, au fil des discussions sur les canapés, du montage de quelques vidéos, de la relaxation, ou de petites siestes. Ce n’est que vers 18h00 que Kiki se décide à partir explorer les bazars de la ville en quête de quelques objets pour nous accompagner sur notre trajet. Rien de nouveau dans nos sacoches à la fin de la journée. Par contre, Kiki aura « la chance » de voir comment les Ouzbeks gèrent une voiture en feu. Devant l’un des bazars, une voiture commence à prendre feu. Quelques hommes s’agitent. Personne ne semble s’éloigner de la voiture. Un homme commence à mettre des coups de cagette dans une vitre. Un autre de l’autre côté tente d’ouvrir la portière brulante. L’un comme l’autre réussissent en même temps, puis voilà que tout le monde se relaie pour y balancer de l’eau à l’intérieur. Intéressant. Si le feu avait pris plus rapidement à l’intérieur de la voiture, ou si en cassant les vitres ce dernier ne s’embrasse encore plus, il y aurait pu y avoir facilement une quinzaine de morts et un grand nombre de blessés. Heureusement, cela se finira bien, et Kiki continuera sa route. Sillonnant les petites allées, les bazars sont presque vides à cette heure avancée de la journée, tous les magasins fermés.

Alors cela sera retour à l’hostel pour voir arriver Baris, complètement fatigué après qu’il eut fait 150km dans la journée. Il aura bouclé en deux jours le trajet entre Boukhara et Samarqand. Alors nous faisons à manger pour tous les trois et passons la soirée dans le patio, que nous n’avons guère quitté de la journée. Là, une française arrive alors pour discuter avec nous. Noémie, une eurélienne qui habite à quelques kilomètres de là où vivait Kiki avant. Quelles sont les chances. Nous ne les comptons pas, préférant passer une bonne soirée à discuter encore un peu avant de quitter le patio jusqu’au lendemain.

Data depuis le début 

  • Kilomètres parcourus : 4 616,73
  • Temps de déplacement : 273h38m54s
  • Altitude : 29 940+ / 29 207-
  • Calories dépensées par personne : 137 223
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