Jour 27 – Asprovalta à Kavala
Ça chauffe. Ça chauffe plutôt bien même. Les flammes sont hautes en ce début de journée. Et notre vaisselle semble bien prendre feu. L’alcool à bruler que Kiki a acheté plusieurs jours en arrière semble faire des flammes bien bien grosses. Nous tentons de vite les calmer, mais trop tard, nous avons carbonisé un bol. Il restera marqué au fer noir de ce dimanche matin. Dimanche. On se rappelle de la journée un peu tard, mais on comprend en voyant les routes désertes que les Grecs ne sont vraiment pas actifs ce jour-là. Tout le monde dort encore à l’heure où nous montons sur nos vélos. Nous ne serons que peu dérangés par le trafic aujourd’hui. On en profite pour bien rouler et continuer de prendre des couleurs avec le soleil tapant fort dès 9h00. Une chance ou non, mais de bicolore, nous passons à tricolore en remontant un peu nos shorts et t-shirts afin de parfaire notre bronzage. Ce dernier est comment dire… très marqué… très moche tout simplement. Heureusement, nous n’allons pas encore à la plage nous baigner, nous avons le temps d’améliorer ce point.
La côte est là. La mer aussi. On pourrait le savoir sans les voir rien qu’en regardant les champs d’oliviers et les quelques pieds de vignes. Les cultures ont changé, le climat aussi. La première partie nous fera longer la mer, avant de serpenter sur les hauteurs et de couper à travers la vallée pour rallier Kavala. Déserte était la route que nous avons pris là-bas, à longer les champs, seul au milieu des montagnes qui nous dominaient à droite et à gauche. Si nous avions longé par une route un peu plus haut, nous aurions traversé plusieurs petites villages qui se trouvaient au pied des montagnes. Nous les observons de notre position. Nous ne grimperons pas les voir de plus près. Les chiens seront notre plus grande compagnie aujourd’hui. Toujours à nous soutenir de leurs cris incessants, et parfois à nous courir après. Du moins, après Kikinette toujours derrière. Heureusement, ils s’arrêtent à chaque fois que nous passons « leur territoire », sans vraiment faire autre chose que japper pour montrer qu’ils sont là. Nous ne nous en inquiétons peu ici, mais bientôt, nous savons que les chiens errants seront bien différents.
Déjeuner sur le pouce, déjeuner bien portant sur l’estomac, déjeuner sur un banc à l’ombre. Nous observons le mini market en face de nous. Toujours du monde qui entre et qui sort, alors que nous sommes dans un petit village, et de surcroit un dimanche. A côté, un Oman. Oman, c’est l’enseigne des paris sportifs ici en Grèce. Il y en a partout. Et vous y trouverez toujours du monde. A défaut de casinos, il y a Oman. Avec son petit bonhomme comme logo qui fait peur aux enfants. Nous repartons, une vingtaine de kilomètres nous sépare de la ville. Seuls les cinq derniers seront vraiment ignobles. En fin de journée, se faire une énorme montée. De quoi bien casser les jambes. De quoi vous épuiser comme il se doit. Mais en haut, une vue plongeante sur Kavala. Arrêt photo avant d’aller poser nos vélos et prendre une bonne douche.
Vêtements propres enfilés, direction le centre-ville pour découvrir ce qui s’y cache. Quelques pas suffisent pour nous rapprocher du bruit que nous entendions de notre chambre. Dans une cour d’école, une bonne centaine d’enfants était là à danser. Nous nous posons là cinq minutes pour les regarder faire. Un rythme parfait. A tourner et tourner et tourner dans une litanie sans fin. Envoutant. Ils devaient se préparer pour un spectacle, à la vue des adultes qui circulaient dans les rangs pour vérifier que tout était en ordre. Les rues s’enchainent. De magnifiques œuvres de street-art s’offrent à nous. Kiki en profite pour les mettre en boite. Une chance que nous soyons dimanche. La plupart des œuvres étant sur les devantures des magasins fermés. Les gens sont de sortie. Les bars et restaurants du port sont remplis. Il en sera de même pour ceux qui mènent au château. Là, nous entrons pour le visiter. Nous payons au final pour avoir une très belle vue depuis la tour, puisqu’il n’y avait pas grande chose de plus à voir, pas d’explications, pas d’histoires à apprendre. Là-haut, sur la tour, nous contemplons l’ensemble de la ville. Bâtie sur un littoral escarpé, la ville s’étend dans la montagne. Nous redescendons prendre un café et une bonne crêpe au chocolat, avant de rentrer. Nous nous ferons à manger à domicile pour nous reposer un peu.
Jour 28 – Kavala à Porto Lagos
La journée est propice à ceux qui se lèvent tôt. Pour Kiki, cela lui a surtout permis de faire un atelier dans le salon pour démonter son vélo. Un petit bruit régulier s’échappait de la roue arrière, et cela devenait insupportable avec les kilomètres. Le problème venait des patins de freins. Clef en main, roue démontée, en quelques minutes, tout est enlevé et remplacé par de nouveaux. Pourtant, ils n’avaient fait que 2500km environ. Pas grave, on les enlève, on les garde pour plus tard au cas où. Le bruit est parti. C’est l’un des points intéressants d’être cycliste. On entend très rapidement quand une pièce ne fonctionne plus. Et parfois même on le ressent directement. C’est un plus non négligeable qui permet de toujours avoir une machine en bon état de marche. Les réparations terminées, nous pouvons prendre la route.
Une route où nous croiserons plus d’animaux que d’humains. Ici, les chiens errants (abandonnés) sont nombreux. Parfois seuls, souvent en bande de trois ou quatre. Ils ne sont pas agressifs, juste demandeur d’un peu de nourriture, et surement de beaucoup d’affection. Il ne faudrait pas être un défenseur de la cause animale par ici, ni être fragile ou hypersensible. Entre tous ces animaux errants, ces animaux morts sur le bord de la route, c’est un spectacle assez désolant. Hier, nous avions eu la malchance de voir en pleine ville un chat qui venait de se faire écraser. Il agonissait encore là, dans son sang, avant de partir pour une nouvelle vie. Cela semblait normal pour les gens. La condition animale semble bien peu prise en compte. Mais nous savons que ce n’est que le début, et que dans un futur proche nous rencontrons surement bien pire.
14h00 sonne, et nous voilà déjà dans notre ville d’étape. Une pita chacun avait été engloutie une bonne heure auparavant pour notre pause syndicale du midi. Les paysages étaient laconiques et très plats pour cette journée. Nous avons sillonné les chemins qui nous emmenèrent dans le Parc National de Nestos. Nous y rencontrerons plus de champs, de petits villages et de zones industrielles que de véritables zones vertes et vierges. Le calme plat. Nous nous sommes éloignés des grands axes et des grandes villes plus au Nord de notre position, pour couper à travers ce Parc National qui doit nous emmener vers notre dernière étape en Grèce. A l’entrée de la ville, un panneau annonce des chambres à louer. Nous tournons autour de la maison pour rencontrer une jeune femme qui nous annonce un prix encore une fois inférieur à ce que nous avions pu voir en ligne. Nous lui prenons une chambre qui ressemble plus à un petit studio, avec cuisine, baignoire et petit salon.
Cela sera après-midi farniente avant d’aller faire quelques courses pour nous faire un petit repas maison. Oui, il faut bien profiter d’avoir une vraie cuisine pour ne pas oublier les basiques. Il n’y a pas de four, mais il existe pléthore de plats qui peuvent se faire sur un feu. Notre regard est déjà vers la Turquie, et nous organisons un peu notre prochain pays. C’est dans ces jours plus soft que nous en profitons aussi pour regarder les commentaires laissés sur le site et les réseaux sociaux. Nous sourions en les lisant. Nous sommes remontés à bloc pour continuer l’aventure.
Jour 29 – Porto Lagos à Alexandroupoli
Dernière ligne droite. Dernières heures en Grèce. Nous voulons en profiter au maximum. Le soleil vient nous titiller pour nous réveiller. Il nous poussera très vite à le rejoindre. Pour cela, rien de mieux qu’une coupure de courant dans notre logement pour se dire qu’il était l’heure. 8h40 et nous sommes déjà en selle. Jamais aussi tôt depuis notre départ. La rue est déserte. Nous nous lançons sur une petite route bordant un lac sur notre gauche et la mer sur la droite. Là, une petite Eglise se dresse seule au milieu de l’eau. Arrêt photo. La lumière est parfaite. Les premiers rayons de soleil se répercutent sur l’eau et illumine le bâtiment. La journée s’annonce bonne.
Nous monterons. Nous descendrons. Les collines. Les vitesses. Toute la journée, nous alternerons entre haut et bas, pour traverser les champs à perte de vue. Nous croiserons plus de tracteurs que de voitures sur cette route. Déserte elle aussi. Nous sommes contents d’être seul pour profiter des paysages et s’arrêter régulièrement les mettre en boite. Le calme plat et le soleil pour compagnons. Notre regard se porte au loin. Notre regard admire une dernière fois les terres grecques. Une petite route qui serpente toujours dans le Parc National. Et pour nous motiver encore plus, nous voilà à devoir traverser à pied un ruisseau en poussant les vélos. Les pieds dans l’eau, nous repartirons ensuite. En laissant derrière nous ce petit passage intéressant qui nous glace le bout des doigts dans les chaussures trempées. Tantôt une Eglise Orthodoxe dans un village, tantôt une Mosquée dans un autre village que nous traversons. La proximité avec la Turquie se fait ressentir sur les cultes et sur les bâtiments. On continue toujours tout droit à monter, puis à redescendre dans la douceur de la matinée.
Si nous pouvions aimer les chiens avant notre départ, aujourd’hui nous préférerions ne plus en voir. Qu’ils aboient timidement ou fortement derrière leurs grilles, passe encore. Qu’ils n’arrêtent pas de nous courser pour faire monter le palpitant, cela devient usant. On ne comptera pas le nombre de petites courses du jour, mais l’on peut comprendre comment certaines personnes peuvent devenir phobique des chiens. Je ne leur conseillerai pas de faire du cyclotourisme dans tous les cas. Heureusement pour nous, aucun ne mort pour l’heure. Nous redoutons un peu le moment où cela risque d’arriver. On ira faire un tour aux urgences pour se faire vacciner contre la rage puis nous repartirons de plus belle.
Petit cabanon à l’entrée de l’autoroute. Non, nous n’irons pas dessus aujourd’hui. Juste nous nous y poserons pour manger rapidement nos sandwichs à l’abri du soleil. Les trente derniers kilomètres auraient dû être plutôt simple sur le papier : une petite montée, une énorme descente et du plat. C’était sans compter sur notre ami le vent qui ne voulait pas rendre cela trop facile. Nous voilà presque sur le petit plateau en descente, à lutter contre le vent qui ne voulait pas nous laisser arriver. C’est surement la chose la plus usante au monde. Sur du plat, passe encore. En descente, c’est frustrant au possible de ne pas pouvoir profiter de la vitesse et du temps de repos. Alors on pédale encore plus. Mais dans la dernière descentes, Alexandropoulis est en vue. Un sourire s’affiche. On pose nos affaires, puis nous partons en ville. Un phare, une église, un tour du port et de la ville en vélo, en moins d’une heure, nous avions tout bouclé. Oui en vélo, car pour nous détendre après une journée sur les routes, nous aimons bien refaire un peu de vélo encore pour nous relaxer sans les affaires.
Un donut dégoulinant de chocolat, un petit verre en terrasse, et nous voilà à chercher une taverne locale pour notre dernier repas. Depuis le début de l’aventure, plusieurs personnes ont décidé de nous soutenir avec des dons. Et nous nous sommes dit que le meilleur moyen pour les remercier et penser à eux étaient de les « emmener » avec nous dans notre dernier repas dans un pays. On fait rarement de gros repas, alors on s’autorise une exception culinaire par pays. Et ce soir… Quel repas ! Nous tombons sur une petite Taverne, pas encore ouverte. Nous sommes seuls, normal il est 19h30. Une dame nous accueille et nous demande si nous voulons un plat. Nous ne comprenons pas, mais disons oui. Elle avait laissé sur la table un menu. Il était en Grec et Allemand. Pas d’Anglais ici. On se regarde, puis on essaye de déchiffrer le menu. Sans succès pendant une bonne dizaine de minutes, avant de la voir ressortir de la cuisine avec une immense assiette. Elle nous apporte alors un plat typiquement grec juste succulent. Nous le dévorons des yeux et des papilles. Nous lui demandons alors si elle a des desserts. Même chose, elle nous ramène alors cinq petits desserts sans que nous n’ayons à choisir. Parfait. Nous testons. Nous approuvons. On essaye alors de discuter quelques instants. Elle nous répète Samothraki à plusieurs reprises. Nous comprenons qu’elle nous parle d’un endroit, mais sans plus. Elle nous montre alors sur son téléphone des photos d’une ile au large de la ville. Elle nous explique qu’elle adore cet endroit qui est paradisiaque. En voyant les photos, on adhère nous aussi. Mais nous avons la Turquie en tête, alors nous notons le nom pour une prochaine visite. Le temps de rentrer à l’hôtel, Kiki s’amuse à courser un scooter sur une ligne droite. C’est que sans bagage, il va beaucoup plus vite. Nous voilà dans nos lits, à s’imaginer comment sera notre prochain mois en Turquie. Au revoir belle et douce Grèce.
Data depuis le début
- Kilomètres parcourus : 703,47
- Temps de déplacement : 1j18h15m44s
- Altitude : 6623+ / 6388-
- Calories dépensées par personne : 20132