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Jour 11 – Cesena à Marotta

Le voyage commence enfin. Celui comme nous l’entendions tous les deux depuis le début. Celui de la rencontre de l’autre. Celui où nous rencontrerions d’autres passionnés comme nous. Celui où nous pourrions échanger sans limite. C’est un fait, ce onzième jour sera spécial, mais nous y reviendrons plus tard.

La technique du volet semi-ouvert a encore fait son effet. Nous nous y habituons bien, même si Kikinette a trouvé la parade en se tournant dans l’autre sens. Mais c’est sans compter sur Kiki qui lui susurre à l’oreille lorsque l’heure est là. Le petit déjeuner fut gargantuesque, Kikinette s’étonnant que Kiki n’eut pas explosé après celui-ci. Mais en se restaurant ainsi, Kiki ne demande pas à s’arrêter pour casser la croute trop tôt. Tout le monde est ainsi content. 

La route s’ouvre à nous. Le soleil tape assez fort dès 9h30 pour que nos deux cyclistes terminent en t-shirt. Nous roulons, roulons, et roulons encore, à un rythme toujours plus important que les jours précédents. Nous avons gagné presque 2km/h de moyenne, pour des distances toujours plus longues. Nous sommes assez contents de voir que nos jambes en redemandent toujours plus, et que nous ne sentons que peu la fatigue pour l’heure. On s’étonne en traversant Rimini d’être sur une énorme 2×2 voies où le trafic est impressionnant. On s’interloque en voyant un cycliste à contresens sur cette même route. On est admiratif en apercevant un peu plus loin un cycliste unijambiste. On est regonflé à bloc avec tous les gestes amicaux des personnes que nous croisons. 

Chose assez intéressante, outre le fait qu’une grande partie des italiens semblent se déplacer en bicyclette en ville, c’est de voir l’essor du photovoltaïque ici. Certes, l’Italie a les températures et l’ensoleillement pour en bénéficier grandement, mais à comparaison avec la France, nous voyons bien notre retard à ce niveau. Les toits des maisons sont recouverts de panneaux solaires, et ce, depuis notre départ. On s’est aussi étonné de traverser parfois des champs de panneaux solaires, comme si il s’agissait d’un champs de pommiers au bord de la route. Il serait intéressant de voir quelle est la part du solaire dans l’énergie du pays.

On roule tranquillement sans toutefois voir la mer Adriatique pour l’instant. Notre but de la journée. C’est un petit défi au final, se dire que nous avons traversé à plus de la moitié l’Italie, et que la mer est là. On le sait depuis que nous avons dépassé Rimini que celle-ci se trouve juste sur notre gauche, derrière tous ces immeubles. Mais impossible de l’apercevoir. Il faudra attendre plus de 60km et la ville de Pesaro pour enfin l’admirer et s’y poser pour manger. Enfin. Elle est là. Nous prenons une photo souvenir, puis nous repartons en quête d’un WiFi pour prévenir la personne qui nous accueille ce soir de notre heure d’arrivée. Nous n’étions pas sur la veille de réussir à refaire presque 90km, mais au final, ils sont passés sans problème, et nous ne regrettons pas de les avoir fait, croyez-nous. 

Le reste de la route se fera sur le bord de mer, sur une immense piste cyclable. Le vent nous fouette, la veste s’oblige à nous. On roule, on roule, et on se questionne sur le nombre incroyable de bars et plages privées tout le long du littoral. Pas un seul endroit vide pour voir la plage de sable. On dit qu’en France nous avons « beaucoup » trop construit sur le littoral, ici, c’est omniprésent et à même la plage. Assez curieux, mais cela semble normal. Et chose étonnante, chaque bar semble vouloir avoir ici une balançoire, ici des structures gonflable, ici des châteaux de princesse, ou encore des terrains de volley. On profite néanmoins du paysage sur notre piste cyclable pour nous rendre chez notre hôte. 

Guglielmo arrive en bicyclette électrique nous chercher à la gare. Dès les premiers échanges, nous comprenons. Il est comme nous, avec des envies de voyages et de partage. Une personne ouverte et souriante qui saura nous faire passer une excellente fin de journée. Le temps d’arriver à son appartement, de poser nos affaires, la discussion s’engage facilement malgré la barrière de la langue. Il comprend un peu le français et l’anglais, nous comprenons un peu l’italien. Nous pouvons parler sans problème, chacun dans nos langues. Et quand c’est impossible, nous essayons de trouver d’autres mots pour nous expliquer. Il nous parle de sa vie, qu’il est lui aussi depuis des années sur un vélo chaque jour pour aller s’occuper des appartements qu’il gère mais aussi voir sa mère qui se trouve à Fano, qu’il voyage aussi en vélo depuis quelque temps à faire le tour de Malte ou de l’ile de Rhodes, qu’il avait failli tout quitter étant jeune pour ouvrir un bar en Thaïlande, qu’il possède un sweat bleu fétiche qui part en vacances avec lui depuis ses 16 ans pour être pris en photo, et tant de choses encore. 

Une balade sur le bord de mer s’impose. Nous voulons pouvoir nous y arrêter un instant, contempler celle-ci, marcher un peu dessus, et que Kiki puisse lancer son caillou. Oui, c’est important. Mais on ne saura jamais pourquoi. Nous marchons sur toute la promenade, quand Guglielmo nous rejoint. Il nous parle alors de sa ville, qu’ici aussi (comme chez nous) les italiens de l’arrière-pays viennent en villégiature sur la côte en été et qu’ils ont acheté tous les appartements du front de mer, qu’une fois les beaux jours arrivés la plage grouille de monde, que le prix d’un bar sur la plage est de 80K€ à l’année, mais que pour 3 ou 4M€ il est possible de l’acheter. Une sacrée somme nous en convenons. Nous passons devant quelques bateaux, il nous explique alors qu’il y a un peu plus loin le même type de petit port d’où les pêcheurs partent chaque jour. Puis il nous apprend que Marotta accueille le championnat du monde de paddle, qui se déroule aussi en France et à Honolulu. Le froid s’insinue petit à petit, nous décidons de prendre le chemin du retour.

Nous discutons, nous discutons, pendant qu’il nous prépare à manger un repas typique à l’italienne : des pâtes à la carbonara (avec du poivre pour relever le goût), de la charcuterie, du fromage et de la salade, le tout arrosé d’un petit vin blanc local. Un régal pour nos papilles. Nous continuons d’échanger, nous lui racontons notre projet, nous lui disons que Kikinette en est pour sa première sortie à vélo, il n’en revient pas, nous parlons politique, culture et cuisine sans distinction. Il sort alors son ordinateur et commence à rédiger un long texte à ses amis sur Facebook pour les inviter à nous accueillir. Nous n’en revenons pas, mais en quelques minutes, nous étions déjà invités à presque 80km de là chez un ami à lui. Les rencontres, le véritable partage humain.

Il est 23h33, nous venons de terminer il y a peu notre soirée juste géniale. Nous avons tous deux le sourire d’avoir eu la chance de rencontrer Guglielmo. Si vous voulez le connaitre, ou si vous venez en vacances du côté de Marotta, n’hésitez pas à le contacter, il vous trouvera un logement sans problème !

Jour 12 – Marotta à Potenza Piacenza

On tourne, on tourne, Kikinette donne quelques coups de pieds dans son sommeil, puis nous entendons quelques bruits dans l’appartement. Il va être l’heure pour nous de sortir du lit. Le petit-déjeuner engloutit, nous chargeons les vélos. Guglielmo nous accompagne en vélo sur un petit bout de chemin, puis avant de nous quitter nous invite prendre un café au bord de la plage. Nous sommes samedi matin, il n’est même pas 9h, mais le café est noir de monde. Pendant que Kikinette sirote son café (avec un peu d’eau), Kiki s’extasie devant toutes les pâtisseries. L’heure de dire au-revoir à Guglielmo est là. Nous sommes un peu émus, notre première rencontre, une magnifique rencontre, surement celle que nous n’oublierons pas de sitôt. Facebook restera notre lien pour garder contact, et nous espérons un jour pouvoir le revoir, lui comme tous les futures personnes que nous rencontrerons, et les inviter chez nous.

La mer nous accompagne pendant toute la journée. Poussés par un petit vent, nous atteignons une moyenne de 20km/h sur les premiers 40km jusqu’à Ancona. Un record pour nous. Nous profitons de l’air marin couplé aux rayons du soleil pour parfaire notre bronzage. Celui-ci est bien bizarre. Nous bronzons du visage (mais pas sur les côtés), des doigts (qui dépassent des gants), et des genoux (mais pas le reste de la jambe). Nous sommes beaux comme des camions. Guglielmo nous avait conseillé de longer la côte et de passer par les collines derrière Ancona pour des vues magnifiques. Un dénivelé assez intéressant sur le papier, qui nous rallongeait un peu, mais qui devait nous offrir une belle récompense. Nous ne réfléchissons pas trop à la question, et nous lançons. Il y aura toujours un point de vue tout en haut qui dominera la vallée… et quel point de vue ! D’un côté, nous avons une vue plongeante sur tout le bassin d’Ancona, sa ville haute et son port. De l’autre, nous admirons la vaste plaine qui s’offre à nous avec ses quelques reliefs. Kikinette est aux anges.

En haut du deuxième col, nous nous arrêtons. Il est 13h37, nous n’avons plus que de la descente et une vingtaine de kilomètres à faire. Le temps de nous manger nos bons paninis, nous voyons défiler les cyclistes sur la route. On est samedi, il fait beau, tout le monde est dehors. Tous nous encourage à leur manière, c’est fort. Depuis le début de journée, Kikinette se plaignait d’un bruit répétitif sur son vélo, poussant Kiki à l’inspecter entièrement pendant le déjeuner. Rien. Impossible de reproduire le bruit. Ce n’est qu’une petite heure plus tard que la solution sera trouvée. Il s’agissait en fait des lacets de Kikinette qui rebondissaient sur le vélo. Nous rigolons. C’est bon de voir que le vélo n’aura pas besoin d’être démonté. C’est moins drôle par contre quand notre ami le GPS se dit qu’une voie en graviers pouvait être le meilleur moyen pour rallier la ville. Surtout quand celle-ci est raide comme un i. C’est pieds à terre et dans la douleur que nous pousserons les vélos sur presque un kilomètre. Allez pousser vous des vélos de 50kg environ dans une montée à 10 ou 15%. Nous l’aimons si fort ce GPS.

Le temps d’arriver dans la rue de notre futur logement, un vieil homme à sa fenêtre nous dit que nous ne pouvons passer que par les escaliers pour y accéder. Nous étions au 35, nous devions monter au 3. Encore un effort pour nos bras afin de ne pas les oublier dans ce périple. Kiki sonne, Fabio répond. Fabio est l’ami de Guglielmo qui s’est proposé de nous accueillir chez lui pour la nuit. Le temps de déposer les affaires dans la chambre, nous commençons à discuter. Autour d’un café bien entendu. Ici le café est une religion. Et nous tombons sur le premier italien qui le boit avec de l’eau aussi. Fabio nous explique qu’il a pris cette habitude en Allemagne avec les cafés longs et qu’il n’arrive plus à s’en passer. Nous parlons de notre voyage, il nous parle des siens. Il a fait voilà quelques années le chemin de Compostelle à pieds en partant de Madrid. Un sujet très propre à Kiki, on ne l’arrête plus. Chaque année depuis, il est bénévole pendant une semaine à Lourdes. Il nous fait le tour du propriétaire, un appartement gigantesque et magnifique qu’il gère en tant que B&B. En voyant la chambre, nous nous disons que nous avons de la chance. Il nous emmène dans la cuisine, et là soulève un torchon sur la table. Les yeux de Kiki n’ont jamais autant été remplis d’étoiles. Des gâteaux plus appétissants les uns que les autres étaient disposés là. Et c’est Fabio le maitre d’œuvre à ce niveau-là. Il est fin cuisinier ici à Potenza Piacenza en plus de gérer son B&B. Il nous raconte ses voyages en Espagne, puis l’épisode du tremblement de terre en Italie qui a ravagé toute une région non loin de là. Il avait pu héberger des réfugiés à ce moment pour leur venir en aide. On discute, on discute, puis lui aussi prend son téléphone pour poster une annonce auprès de ses amis pour nous aider dans notre voyage. Nous ne savons comment le remercier. Il nous apprend alors qu’à 20h00 il partira travailler et qu’ensuite il sortira et ne rentrera pas. Nous le remercions à nouveau et lui disons au-revoir à son tour. Une autre belle rencontre que nous espérons revoir à la fin de tout ça.

L’heure est à la pizza pour les Kiki. La nuit est tombée depuis un moment, le vent lui s’est bien levé. Après un rapide tour dans la vieille ville, nous restons un moment sur la place principale où une vue dégagée s’offre à nous sur toute la vallée. C’est avec les lumières lointaines que nous imaginons notre future route et la beauté du paysage qui se cache derrière l’obscurité. La porte s’ouvre, une étale de pizzas nous fait face. Au lieu d’en prendre une seule, nous en prenons quatre quarts différents pour satisfaire notre curiosité gustative. Nos ventres ne nous remercieront jamais assez de ce choix. Le temps de rentrer, Kikinette se met au traitement des photos de la journée, tandis que Kiki s’adonne à son écriture journalière. L’intention est de se coucher plus tôt pour pouvoir récupérer un minimum des longues journées que nous effectuons.

Jour 13 – Potenza Piacenza à Pescara

Le dicton de Millau « les jambes, c’est dans la tête » aurait vraiment fait tout son effet pour cette journée. Un grain de folie pour toujours plus d’aventures. Au petit matin, nous voyons sur Facebook qu’une amie de Fabio peut nous accueillir sur Termoli. Ni une, ni deux, nous checkons le nombre de kilomètres à parcourir : 230km. Un gros dilemme s’installe de bon matin. Le faisons-nous en deux jours ou en trois ? Pas très réveillé certainement, nous tentons le coup en deux, et prévenons notre futur hôte que nous arriverons le surlendemain. Un bref regard sur Internet, et nous trouvons un logement à bas coût vers Pescara. On nous annonce 120km environ… Ce n’est sans compter sur notre GPS qui nous en fera faire 10 de plus.

Une journée bien chargée en route, mais nous voulions vraiment rencontrer cette nouvelle personne, et agrandir la grande famille de Kiki & Kikinette. Nous traversons une foultitude de villes tout en longeant le littoral. Impossible de dire combien, mais nos vélos ont bien touché l’asphalte qui leur appartenait. On oscille entre bord de mer sur piste cyclable et route en bitume en fonction des possibilités. Plus nous avançons dans l’Italie, plus l’on se dit qu’ils sont en avance au niveau des pistes cyclables. Tout leur littoral en est équipé et bien à l’abri des voitures, alors que chez nous, nous pleurons d’en voir sur le bord de route sur les anciennes voies d’arrêt à de rares endroits. Non pour ça, on peut dire qu’ils sont bien équipés. On nous dira le soir même que le pays à l’intention de créer une immense piste allant de Venise à Bari.

Notre regard se laisse aller dans le bleu de la mer. Elle nous pousse inlassablement vers la botte de l’Italie et notre port d’attache. Dimanche oblige, il y a foule au bord de mer. D’ici des enfants jouant, d’ici quelques coureurs, de là un nombre impressionnant de cyclistes, de là encore des familles entières qui se baladent tranquillement. Kiki grogne par moment. Parfois pour une personne qui marche sur la piste cyclable (alors qu’il y a un énorme trottoir pour les piétons), parfois contre des voitures qui ne font pas attention aux cyclistes que nous sommes, mais jamais sans s’énerver vraiment. Kikinette elle a eu une petite frayeur de son côté avec un automobiliste, auquel nous souhaitons le plus grand bien, qui ne pouvait pas attendre pour doubler par la droite, préférant se coller à elle. Plus de peur que de mal. Nous en serons quittes pour lui repasser devant au feu rouge suivant.

La recherche du WiFi est une quête de tous les jours quand nous devons prendre des rendez-vous avec nos hôtes d’un soir. On l’oublie facilement quand on est chez soi, à avoir Internet partout en France. Mais à l’étranger, il nous faut trouver ce petit logo devant les restaurants ou les bars. Cela devient même notre critère premier les midis où nous devons prévoir nos arrivées aléatoires. Oui, en vélo, difficile de dire « c’est bon, j’arrive à 15h32 ». On donne une fourchette la veille, puis en fonction de notre avancée, on corrige le lendemain midi. Qui sait, avec nos jambes, tout est possible. Regardez, aujourd’hui, elles nous ont poussé toujours plus loin, toujours plus vite et toujours plus longtemps. Cela ne nous a pas empêché d’arriver à la nuit tombée. Une erreur de timing de la part de Kiki.

En plus de faire notre premier 130km (nous attendrons que les journées rallongent plus avant de le refaire), nous avons fait notre première autoroute. Si le premier jour, les carabiniers ont réussi à nous arrêter bien avant, là nous avons pu faire 100 mètres dessus, avant là aussi d’avoir la chance de rencontrer des carabiniers qui nous ont escorté jusqu’à notre véritable route. Bleu, pas vert. Les couleurs des routes que nous pouvons prendre ou pas. C’est ça de trop regarder son GPS et pas les panneaux. Pourtant, le GPS n’en a pas démordu pendant 10 minutes, en nous disant de passer par l’autoroute. Nous ne comprenons pas. Nous le taquinons. Il s’arrête tout seul de fonctionner en réponse à nos plaisanteries. Ah celui-là !

Les 30 derniers kilomètres furent les plus dures pour Kikinette et son postérieur. Pour Kiki, c’était son genou. Chacun sa peine à porter. Mais au final, un bon massage aux huiles, et tout est comme neuf jusqu’au lendemain. Une confession s’oblige. Non nous n’avons pas craqué sachez-le. A notre arrivée sur Pescara, nous devions trouver du WiFi pour avoir des informations sur notre hôte. Nous trouvons un Burger King et nous y installons. Oui, de la malbouffe après autant de kilomètres. Honteux, nous sommes d’accord. Mais si bon. Mais sans WiFi surtout. A croire qu’il n’y a que les McDo qui offrent ce service. Dommage, nous aurions du manger dans un autre restaurant. Le temps d’engloutir (déguster) notre hamburger, nous partons chercher notre hébergement. Ô bonheur que d’enlever les affaires, ouvrir le robinet d’eau chaude, et de se plonger dedans. Le repos s’oblige à nous sans attendre.

Data depuis le début 

  • Kilomètres parcourus : 943,12
  • Temps sur le vélo : 2j12h34min37s
  • Altitude : 5161+ / 5243-
  • Calories dépensées par personne : 31066
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