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Jour 21 – Delphes à Lamia

La Grèce, ce pays qui va connaitre le plus de bouleversements pour nous. Nous devions arriver à Igoumenitsa en premier lieu. Cela sera le port de Patras qui nous verra débarquer. Nous devions ensuite couper vers Thessalonique à travers la Grèce. Nous ferons un détour jusqu’à Delphes pour découvrir cette merveilleuse ville. Nous devions contourner Lamia par l’Est et longer la mer pour remonter vers le Nord. Nous partirons plein Nord-Ouest vers les Météores. Chaque jour nous amène son lot de surprises que nous voulons découvrir et nous détournons notre chemin pour y aller. La joie du voyage à vélo.

Les rideaux sont tirés, grand soleil à travers la fenêtre. Nous soufflons un bon coup. La météo nous annonçait de la pluie. Nous nous préparons soulagés. De courte durée sera ce dernier. Nos vélos dans la rue, nous regardons derrière nous. Des nuages énormes arrivent sur Delphes depuis Athènes. Nous regardons devant nous. La même chose sur les montagnes au loin. Nous sommes pris en tenaille. Nous enfilons alors pour la première fois nos affaires de pluie en nous préparant au pire. On se sent bien au chaud dedans. Kikinette a du mal avec ses gants, mais cela semble être récurrent pour elle. Il est temps de monter sur les vélos et de redescendre de Delphes à fond les ballons. Le vent nous gifle fort, nous sommes contents d’être bien empaquetés. Un dernier regard en arrière, puis nous voilà à commencer notre longue montée. Nous enlèverons toutes nos affaires de pluie au bout d’une heure, quand on constatera que notre couloir de montée était découvert. Il fait chaud. Nous nous disons que nous allons peut-être réussir à esquiver la pluie. Nous le ferons pendant les 40 premiers kilomètres et notre col de 650m. Une chance. Nous regardons en arrière et admirons avec joie la montée que nous venons de réaliser. Elle est derrière nous, et son vaste paysage aussi.

Une fois dans la descente, les nuages se font la part belle et menacent notre route. Nous nous habillons de nouveau. Le vent sera notre ami lors de la descente, nous poussant à pédaler encore plus que lors des montées, tant ce dernier était fort. Quelle chance. Ce n’est qu’après que nous commencerons à entrer dans un épais manteau nuageux. Il est déjà 13h00 quand une pluie fine s’invite dans notre folle descente. Nous pensions être à une trentaine de kilomètres de notre objectif, mais un panneau nous annoncera plutôt la cinquantaine. Mauvais calcul, il nous restait donc encore un autre col à prendre. Nous passons devant plusieurs villes qui semblent abandonnées (ou alors rien ne semblait ouvert). Il est déjà 14h00, et décidons quand même d’entamer le deuxième col, après notre deuxième barre de céréales. Il nous faudra encore près de 45 minutes avant d’en venir à bout et nous arrêter au bord de la route, trempés, à une petite camionnette qui vendait de la nourriture : la Kantina.

La meilleure pita que nous ayons pu manger pour l’instant. Certains diront que l’effort, la pluie et le froid y sont pour quelque chose. D’autres accepteront le fait que c’est dans les vieilles bicoques que l’on fait les meilleurs plats. Et à voir les routiers qui s’arrêtaient manger eux aussi, on les comprend. Il y avait un petit cabanon. Terre promise pour des voyageurs comme nous. Un poêle chauffait abondamment à l’intérieur. Ô divin. Nous enlevons nos affaires pour les faire sécher pendant que nos ventres dégustaient de magnifiques pitas. Nous y rencontrerons des personnes si gentilles avec qui nous discutons un brin. L’un est grec et Kikinette lui raconte notre histoire. Puis deux chauffeurs turcs arriveront plus tard pensant que nous étions en voiture. Quand nous leur parlons de nos vélos, ils se demandent comment nous faisons. Nous intriguons la plupart des personnes que nous rencontrons au quotidien.

Il est 15h30, et nous décidons de mettre notre troisième couche de protection pour finir le parcours. Avec le pull en plus, nous ne sentons plus du tout le froid pendant la longue descente qui s’ouvre à nous. Un brouillard épais. Nous ne voyons pas à plus de 20 mètres. Cela durera une bonne partie de la descente, avant que s’offre à nous une vue gigantesque sur la plaine où les nuages ont disparu. Nous pouvons apercevoir au loin notre ville d’étape. Mais nous aurons encore une énorme ligne droite à traverser dans la plaine pour enfin entrer dans la ville (après avoir fait un détour de 5km à cause d’une erreur de Kiki n’ayant pas voulu suivre le GPS). Lamia est là. 

Les courses faites dans un supermarché, nous tentons une nouvelle pharmacie. En vain. En Grèce, il ne semble pas avoir besoin de faire le vaccin de l’Encéphalite Japonaise. Nous tenterons demain d’aller dans un centre de soins spécialisés dans Lamia pour voir si c’est possible de l’obtenir. Notre hôtel trouvé, nous payerons moins cher que ce que nous avions vu sur Internet (15€ de moins et avec le petit-déjeuner, une chance). Nos arrivées dans les hôtels sont toujours assez remarquées avec nos bagages et nos vélos. Mais nous avons pris l’habitude maintenant. Nous prenons la chambre, et notre rituel commence. Nous n’en parlons peu, mais chaque jour, une lessive s’impose. Alors nous sortons tout, étendons comme nous pouvons dans la chambre, puis le lendemain, ce qui n’est pas sec, terminera de prendre le soleil sur les vélos. Une fois fait, nous sortons nous balader une petite heure dans la ville. Peu de monde, pas d’activités notoires, nous marcherons tranquillement dans les rues avant de rentrer manger dans notre chambre. Kikinette aura coup de fil sur coup de fil, tandis que Kiki profitera de la baignoire pour se la couler douce devant une série. La soirée est posée, nous préparons les deux prochains jours avant les Météores.

Jour 22 – Lamia à Karditsa

Une belle matinée s’annonçait pour nous. Juste après avoir pris notre petit-déjeuner, nous nous étonnons de ne pas y trouver quelque chose de typiquement grec. Tous les hôtels servant un petit-déjeuner continental. Qu’à cela ne tienne, nous mangerons avec appétit quand même. Chacun avait sa mission du matin avant de partir. Kikinette à la ville, Kiki à la chambre. Elle repassera à la pharmacie pour rencontrer plusieurs personnes dans différents bureaux qui nous donneront tous la même réponse : impossible d’avoir ce vaccin ici. Il faudra tenter à Thessalonique ou attendre la Turquie pour avoir plus de chance. Kiki lui cuisinera de bon matin le repas du jour, une grosse gamelle de pates avec tomate et jambon, lavera les sacoches et rangera la chambre. Nous partirons seulement à 10h40, notre départ le plus tardif pour l’instant.

Devant nous, une belle montée pour les deux prochaines heures. Nous culminerons à plus de 800 mètres au sommet. De quoi bien faire descendre la température ambiante. Cela sera sous un ciel bien nuageux que se fera l’ascension. Du gris et du noir bien menaçant, mais rien ne nous tomba dessus aujourd’hui. Juste de quoi nous faire grimper plus vite de bon matin. Ce type de cote ne nous fait plus trop peur désormais, surtout quand il s’agit d’une cote progressive qui serpente entre les montagnes. On l’embrasse volontiers et on continue sur le petit plateau sans s’arrêter. Ou presque, vu qu’il faut prendre quelques photos. En bas, nous apercevons Lamia que nous quittons, autour de nous, de gigantesques montagnes. Et nous, nous prenons la petite route qui passe en plein milieu. Le bon point de toutes ces montées, c’est d’avoir de magistrales descentes ensuite. La première nous amènera sur un premier plateau où nous déjeunerons. La deuxième elle, nous amènera au centre d’une vaste plaine où se trouvera notre ville d’étape.

Le déjeuner. Parlons-en un peu. La casserole était pleine à craquer. Nous nous regardons en l’ouvrant et nous exclamons « il va nous en rester pour ce soir c’est cool ». Dix petites minutes plus tard, tout avait été vidé, alors qu’il y avait à manger pour trois ou quatre personnes. Nous nous disons alors que nous mangeons vraiment beaucoup. Mais le petit tour par la balance un peu plus tard nous prouvera le contraire. Kikinette affichera un petit 57 tout habillé, et Kiki un 79. Plusieurs kilos ont déjà disparu depuis notre départ. Les balances. Un point assez rigolo. Il y en a dans toutes les pharmacies. Et ici, les gens rentrent tranquillement dedans, montent sur la balance, puis repartent sans dire plus. A croire que personne ne possède de balance à la maison.

La deuxième partie de la journée sera aussi une première pour nous. Si nous avions fait un petit 30km avant la pause midi, nous en ferons plus de 60 l’après-midi. Normalement c’est l’inverse, nous n’aimons pas rouler beaucoup après avoir mangé. Les habitudes que voulez-vous. Mais là, nous étions bien. Il faut dire qu’en règle générale, nous partons à 9h00, roulons jusqu’à 13h30, puis repartons à 14h30 pour finir vers 17 ou 18h00 maximum. Et le ventre plein, nous avons un peu plus froid. Normal, ce dernier voudrait pouvoir se reposer bien au chaud, et non pas remonter en selle pour encore plusieurs heures. Surtout que là, nous avons tout eu : froid, chaud, froid, chaud. Enlève et remet la veste, un jeu que nous adorons. Et si vous ajoutez à cela l’attaque des moustiques qui viennent s’écraser en grand nombre sur vous pendant plusieurs kilomètres, nous voilà à éviter d’ouvrir la bouche pour respirer de peur de manger trop de viande.

Cette plaine avait quelque chose d’assez irréelle. Partout où vous regardiez, elle était entourée par des montagnes. Comme si on avait fait un gros trou au milieu des montagnes, tout plat, qu’on y avait posé que des champs bien uniforme, et qu’on avait enfin mis une route bien droite dessus. Regardez les montagnes, c’est se rappeler sans cesse que la géographie de la Grèce peut varier sensiblement du tout au tout. Nous, nous nous disons surtout que nous n’avons pas eu à passer par certaines de ces montagnes sur notre trajet. Les choses auraient été toute autre. 

Les kilomètres passent, et nous arrivons enfin à Karditsa, une petite ville au charme assez étrange. Tout s’y mêle. Vieux immeubles abandonnés, école taguée entièrement, petit parc central très bien entretenu et rue piétonne avec des cafés et restaurants chics. Tout et rien à la fois. On aime en quelque sorte ce fouillis artistique, pour s’y trouver un hôtel. Comme la veille, nous tombons sur des prix plus bas qu’annoncés sur Internet. A croire qu’arriver après 17h30 dans un hôtel vous permet d’avoir des réductions. Une belle petite chambre pour s’y reposer comme il se doit avant notre escapade vers les Météores du lendemain.

Jour 23 – Karditsa à Kastraki

Notre ville étape de Karditsa est rapidement derrière nous. Nous filons à petite allure vers les Météores que nous attendons depuis deux jours. Nous emprunterons de grandes lignes droites pour la majeure partie de la matinée avant d’y arriver. Une immense deux fois deux voies. Déserte. Le trafic en Grèce semble se cantonner exclusivement aux villes, en dehors, voilà plusieurs jours que nous ne rencontrons que peu de monde. Est-ce que les gens ne se déplacent pas entre les villes ? Est-ce qu’ils habitent et vivent dans la même ville ? Limitent-ils les déplacements compte-tenu le prix de l’essence ? Nous ne le saurons pas aujourd’hui. Une chose est sûre, nous sommes tranquilles sur les routes grecques. Un pur bonheur pour l’instant de rouler ici. Même si il n’y a pas autant de pistes cyclables qu’en Italie (ici elles se limitent à de rares intérieurs de ville), les conducteurs sont beaucoup plus précautionneux à notre égard.

Quand face à nous s’ouvre une dernière ligne droite, les imposants rochers des Météores se dévoilent à notre regard. Nous restons sans voix devant leur majestueux défilé. Plus nous nous en rapprocherons, plus nous les scruterons sous tous les angles. Nous ne nous doutions pas encore que le plus beau du spectacle se cachait derrière eux. Mais d’abord, nous avions encore une vingtaine de kilomètres en ligne droite à engloutir. Comme cela peut être difficile et long de voir grandir si lentement son objectif de la journée. On se demande si nous allons y arriver un jour. C’est pire que de devoir gravir une montagne, tant l’attente est insoutenable de vouloir toucher de ses mains le but. 

Les tocs, les habitudes. Parlons-en un peu. Nous en avons tous. Pour notre part nous allons vous livrer les nôtres. Kiki par exemple va regarder en arrière tous les 500 mètres pour voir si Kikinette est là (même si c’est une ligne droite où il n’y a rien à prendre en photo) ; ou encore régler un peu plus son casque quand il roule ; ou vérifier deux fois la chambre avant de partir. Kikinette, elle, aime bien empiler les assiettes sur la table après avoir déjeuner au restaurant ; ou transformer la salle de bain en piscine en prenant sa douche. Après nous avons ces petits trucs qui sont difficiles à ne pas faire. Pour Kikinette, c’est la déconnection totale de l’objet Internet, toujours à envoyer un message ici ou là. Pour Kiki, c’est regarder une série ou un animé. Pour l’instant, nous sommes encore dans des pays où il nous est facile de trouver du WiFi, nous verrons bien dans quelques semaines / mois comment tout cela évoluera. 

Après un rapide arrêt chez notre ami LIDL pour prendre notre déjeuner frugal, nous repartons vers la gare. Oui, cette enseigne est un peu notre référence depuis le début. Nous connaissons par cœur ses prix, et nous étonnons de voir notre panier quotidien baisser à chaque nouvelle étape. En même temps, nous achetons un pain, du jambon, deux tomates et des chips, pas de quoi bousculer les foules. Ici, en Grèce, impossible d’acheter du fromage pour garnir nos sandwichs, celui-ci étant hors de prix (plus cher que tout le reste réuni et pour quelques tranches seulement). Nous passons pour le moment. La gare est là. Un petit stop pour demander si nous pouvons acheter des billets pour Thessalonique. La dame nous dit que son système a planté et que nous devons repasser plus tard. Kiki y fera un saut rapide en fin de journée pour acheter deux billets. Départ prévu à 19h30 le lendemain. 

Notre B&B est là. Une grande maison sur plusieurs étages avec un grand nombre de chambres. Le responsable nous montre la chambre et nous dit que si nous voulons visiter les Monastères, nous devons nous dépêcher, ceux-ci fermant tôt. Nous mangeons sur le pouce, puis reprenons nos vélos vides pour une belle ascension de 30 minutes. Les paysages que nous découvrirons seront hors du commun. Difficile de décrire cela avec des mots. Nous étions subjugués. Admiratif. Emotionnellement proche de l’absolument parfait. Nous tairons le nombre de photos et de vidéos qui ont été faites, mais Kiki comme Kikinette s’en sont donnés à cœur joie. De toute part, nous avons mitraillé ces bijoux élevés sur des rochers, sortis de nulle part, et posés à la perfection à des hauteurs vertigineuses. 

Nous grimpons jusqu’au plus haut des Monastères, celui de Great Meteoro pour admirer la vue plongeante sur l’ensemble des reliefs. Il est fermé aujourd’hui. Qu’importe, nous reviendrons demain pour l’explorer après l’avoir vu du ciel avec le drone. Nous redescendons un peu pour nous rendre au Monastère de Varlaam. Les portes sont grandes ouvertes. Nous nous y engouffrons. Il faudra monter quelques deux cents marches pour entrer en son sein. Là, visite payante et passage obligé pour Kikinette par la case « se couvrir le corps ». Un voile pour faire la jupe, un pour couvrir les épaules. Nous sommes autorisés à entrer. Le Monastère n’est pas bien grand, mais nous offre une vue saisissante à pic sur la vallée. Une petite chapelle et une petite salle de prière. Les murs sont majestueusement décorés avec des peintures éclatantes. Des couleurs qui vous poussent à rester admiratif devant le travail réalisé. A scruter le moindre détail pour en saisir toute la grandeur. A se dire que nous pourrions nous aussi méditer paisiblement en ces lieux. Un petit musée retrace la vie du Monastère depuis ses débuts (au 15ème siècle de mémoire), avec une collection de livres d’époque et d’habits du Clergé assez impressionnante. Nous sortons du Monastère avec une envie non cachée de voir ce que les autres nous réserveront le lendemain. L’homme a cette capacité à réaliser des ouvrages d’une rare beauté qui émerveillera petits et grands.

Le soleil est encore bien haut, mais tous les Monastères sont fermés. Nous redescendons vers notre chambre pour nous y reposer un peu, avant d’aller tester une taverne typiquement grecque. Il faut savoir varier les plaisirs et rester local. Demain encore, nous espérons avoir des étoiles plein les yeux avec cette succulente région des Météores !

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