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Jour 81 – Lagodekhi à Sheki

9h00. La frontière est en vue. Le temps de dire au revoir à la Géorgie, de se faire tamponner nos passeports par un monsieur pas trop réveillé encore, et nous voilà devant les grilles de l’Azerbaïdjan. Trois ou quatre camions attendent pour passer eux aussi de l’autre côté. Ce n’est pas la foule ici. Deux jeunes militaires viennent vers nous pour discuter avant de nous ouvrir le portail. Ils nous indiquent le chemin, et nous arrivons dans une zone de transit avec un grand bâtiment où plusieurs militaires sont stationnés. Rien de plus. L’un d’eux s’avance et nous demande d’ouvrir nos sacoches pour le contrôle et la fouille la plus rapide que nous ayons pu voir. Il regarde, touche ce qu’il y a au-dessus, mais rien de plus. Le fond de nos sacoches ne semble pas l’intéresser. Un autre militaire est lui en train de vérifier nos passeports et nos visas. Nous sourions à la caméra devant son guichet, voilà nous sommes fichés ici pour les quelques jours que nous allons y passer. Les militaires autour de nos vélos sont curieux et nous posent quelques questions avant de nous dire de continuer notre chemin. Nous continuons de descendre sur la route pour rester face à cette immense arche portail. Un dernier rapide contrôle et les grilles s’ouvrent. Nous voilà en Azerbaïdjan.

Nous voilà avec nos yeux d’enfants à regarder tout ce qui se trouve sur notre chemin, comme à chaque fois que nous arrivons dans un nouveau pays. Nous nous émerveillons de tout. Le premier jour est toujours comme ça. Nous cherchons nos repères, les mots que nous pouvons comprendre, regardons comment fonctionne la vie quotidienne, si il y a des endroits pour acheter nos courses. La première impression est toujours la plus importante. Et ici en Azerbaïdjan, elle a été excellente. Les gens paraissent beaucoup plus ouverts, plus joyeux, plus accueillant qu’en Géorgie. Il faut dire que toute la journée, les gens (et les policiers) nous klaxonnaient, sur le bord de la route les mains se levaient, d’autres nous filmaient, les enfants dans les écoles courraient pour nous voir. C’est une impression assez unique. Le midi, en nous arrêtant manger à côté d’une rivière, une voiture s’arrête, une dame en sort, ouvre son coffre, puis nous offre cinq concombres avant de repartir aussi sec. Nous n’avons même pas eu le temps de nous lever et la remercier comme il se doit qu’elle était déjà loin. Puis, quelques instants plus tard, deux jeunes hommes traversent le pont pour venir tout simplement nous saluer et nous demander d’où nous venons. Puis eux aussi de repartir de l’autre côté après nous avoir souhaité bonne chance. Le soir venu, alors que nous étions à bout de force à la recherche de notre hostel, c’est un enfant du quartier qui est venu nous aider et nous y a conduit. Pour une première journée, c’était fort en belles rencontres.

Nous avions de la route aujourd’hui. Quelques 120km entre la frontière géorgienne et la ville de Sheki. Cela nous a permis d’expérimenter un peu tous les types de routes que va nous offrir l’Azerbaïdjan. Et à ce niveau, il y a de tout. Mais la caractéristique principale est qu’il s’agit d’une sorte d’asphalte avec des petits cailloux, bien lourde, bien cabossée. Un véritable enfer pour les cyclistes que nous sommes. La moindre petite montée, même de quelques pourcentages seulement, devient l’escalade du Mont Ventoux. Nous y perdrons beaucoup d’énergie, surtout quand la ville se trouve en hauteur de la route principale, et que notre hébergement se trouve lui-même au point le plus haut de la ville. Un bonheur non dissimulé. Il y a ensuite les routes de graviers ou de cailloux aux abords des villages, ou les routes complètement en travaux avec toute une bande centrale avec de la terre, ne laissant que les côtés pour passer. A Sheki, nous avons même eux le droit à des sortes de pavés sur 500 mètres, puis des cailloux cimentés avec d’énormes espaces entre, pour enfin avoir une montée à 15% avec la même chose mais en pire. La dernière partie s’est donc faites en poussant gentiment nos vélos, et même là, c’était difficile pour nous. Les routes d’Azerbaïdjan ne vont pas être nos amies, nous en sommes sûrs.

La traversée des villes et villages a marqué pour nous le véritable changement de culture. Si l’architecture préfère toujours des maisons de plein pied avec un jardin, le style lui est bien différent. La première chose qui saute aux yeux c’est le fait que les villes sont « clôturées ». De chaque côté de la route, des murs de pierres plus ou moins haut, sans discontinuité. Seuls les portails indiquent qu’il y a une nouvelle propriété de l’autre côté. La plupart du temps, il est impossible de voir de l’autre côté. La ville devient une sorte de labyrinthe que la route semble parcourir. Il y a ensuite les centres-villes. Dans la première ville que nous traversons, sur la route principale, de magnifiques bâtiments d’une couleur ocre s’élèvent. Dans un style ancien, leur architecture est impressionnante pour donner un cachet énorme à la ville. Mais ensuite, une énorme contradiction intervient. Dans ces mêmes bâtiments, il n’y a que des commerces, avec des affiches ou des panneaux hauts en couleurs qui créent un décalage avec l’aspect ancien des bâtiments. Le contraste est saisissant. Comme au niveau des voitures. Ici il semble y avoir deux catégories, les 4×4 et les Lada. Avec l’état des routes, nous comprenons l’engouement pour les premières, et nous sommes de tout cœur avec les amortisseurs des deuxièmes.

L’Azerbaïdjan est là, et nous aussi. Après cette première dure journée, le repos était bien mérité. Nous pensions arriver dans un pays désertique, nous voilà dans des contrées qui pourraient ressembler au Centre de la France, bien vertes, avec des champs et des montagnes magnifiques. Sur le bord des routes, des arbres sont protégées et plantées tout du long, presque tous les trois mètres. Nous ne nous imaginions pas tout ça, et nous avons hâte de découvrir tout ce que le pays recèle.

Jour 82 – Sheki

Il est plus de 10h00 quand nous émergeons enfin. Il y avait bien quelques bruits dans la maison depuis un moment, mais nous voulions prendre le temps de nous reposer ce matin. La journée d’hier nous ayant bien fatigué, il nous fallait au minimum ça. Nous ouvrons la porte de notre chambre, et nous tombons nez-à-nez avec deux filles qui ont notre âge assis à table, prenant leur petit-déjeuner. Nous entamons la conversation pour apprendre qu’elles sont toutes les deux américaines, en vacances pour quelques semaines dans la région. En mode backpackeuses, elles arrivent de Bakou, se déplacent principalement en bus, et se dirigent vers la Géorgie avant de se séparer, la plus jeune devant rentrer pour finir ses études, la deuxième plus âgée rendant visite à de la famille en Russie. Pour elles, ces pays sont plutôt « faciles » car elles parlent toutes deux le russe, ce qui a l’avantage d’être la langue la plus parlée dans ces ex satellites de l’URSS. Nous prenons quelques conseils de leur part sur la suite de notre voyage, nous leur donnons quelques informations sur la Géorgie que nous venons de terminer, puis nous nous tournons vers notre hôte pour savoir ce qu’il y a de mieux à faire ici à Sheki.

Nous écouterons attentivement ses conseils pour une balade qui devait nous emmener dans une petite ville un peu plus au Nord afin de visiter une Eglise et une ancienne forteresse dans les montagnes. Autant vous dire que nous ne réussirons jamais à trouver la forteresse car nous avons mal interprété certaines indications. Nous avons pourtant bien pris le bus 11 qui nous a amené au grand bazar de la ville. Nous nous sommes même arrêtés là pour y faire un tour. A l’intérieur, des étals et encore plus d’étals de légumes, de fruits, de morceaux de viande qui pendaient à l’air libre, de fruits secs, ou des petites échoppes avec des téléphones, des sceaux en plastiques, des jouets et tant d’autres objets en tout genre. Nous retournons ensuite prendre le bus 15 pour la ville de Kish. Déjà en montant, toutes les places étaient prises dans ce minibus et une personne était déjà debout. Nous voilà donc debout, les épaules touchant le plafond, la tête baissée vers le sol à voyager dans la ville. Mais quand les gens en dehors continuaient d’affluer pour essayer de monter dedans, nous ne comprenions plus. Nous devions bien être une quinzaine à nous entasser debout, et cela semblait normal tant que la porte pouvait fermer. Ce ne fut pas le voyage le plus confortable au monde, mais ce fut le voyage où nous avons pu voir la gentillesse et la politesse du peuple azéri. Nous avions nos sacs, et comme ceux-ci pouvaient être encombrant, d’autres personnes assises nous ont fait signe pour les prendre sur eux pendant tout le voyage. Et quand ces personnes devaient sortir, c’était une autre qui s’en occupait jusqu’à ce que nous avions à notre tour une place assise. Où pourrait-on voir ce genre de comportement chez nous… Nous avons tant à apprendre.

Nous descendrons bien en plein cœur du village, mais surement au mauvais endroit, car nous devions tout d’abord visiter l’Eglise Albanaise avant la forteresse. Nous ne la trouverons pas, alors nous poursuivrons en nous rappelant que nous devions franchir la rivière. Quelle idée nous n’avons pas eu d’essayer de trouver le pont le plus proche. Au lieu de ça, nous voilà dans le lit de la rivière, à marcher sur les cailloux, à tenter de trouver un passage pour enjamber les courants d’eau. Nous finirons par en trouver un, à retomber sur la terre ferme et sur une grande route qui nous amena vers un énorme Ressort Hôtel. De ce que nous avions compris, nous devions passer derrière par un petit chemin, alors nous voilà à rentrer dedans. A l’intérieur, il y avait de tout en plus d’un simple hôtel : spa, cinéma, salle de jeux, bowling, restaurant, etc. Un complexe géant pour une clientèle fortunée. Nous trouverons bien un chemin qui semble aller dans la montagne, mais là, un guide nous arrête. Il nous explique que par ce chemin, il y a des ours sauvages et qu’il faut s’acquitter d’un droit de passage. Nous comprendrons qu’il y a un festival en cours tout en haut, et aucune forteresse de ce côté-là. C’est à ce moment que nous recroisons les deux américaines qui s’étonnent de nous voir ici, et nous tente de nous donner des indications pour trouver la forteresse. Il est plus de 14h00, nous avons faim, nous abandonnons l’idée.

A deux pas, un restaurant. Il n’en faudra pas plus pour décider de s’arrêter. Nous nous retrouvons dans un immense jardin avec des sortes de pagodes. Dans chacune, une table pour déjeuner tranquillement sans être dérangé par ses voisins. Quel concept génial, enfin un peu d’intimité pour manger. Dommage, nous ne pourrons pas voir ce que les autres tables commandes pour demander la même chose. Une fois l’affaire réglée, nous partons quand même à la recherche de l’Eglise. Nous la trouverons plus facilement grâce aux panneaux qui se trouvaient en fait à l’entrée même de la ville. Une petite Eglise sur son promontoire qui permet d’en apprendre un peu plus sur l’histoire de la région et sur l’évolution des cultes ici-même. Le temps de reprendre un bus puis un autre, que nous sommes déjà dans notre guesthouse. Et quelques minutes plus tard, le déluge commença. Nous nous sentons chanceux d’être rentrés à temps pour s’éviter cela. La pluie ne s’arrêtant pas, nous ne ressortirons pas manger dehors ce soir-là, préférant la chaleur intérieure de notre petite maison du moment.

Jour 83 – Sheki à Qabala

Les minutes s’égrènent lentement. Très lentement. Surtout quand il est impossible de dormir. C’est le mal au ventre qui laissera Kiki éveillé toute la nuit, ne lui accordant que quelques instants de répit. Vers les coups de 4h30, un réveil sonne dans la maison. Des bruits de pas se font entendre. C’est vrai, le Ramadan a commencé, et nous logeons dans une famille pratiquante. Kiki ne les entendra presque pas dans leur partie de la maison, mais les allées et venues dans la cuisine montrent que le premier repas est servi. Un peu plus tard, une heure surement, c’est nos voisines de chambre qui semblent se réveiller. Il est bien tôt pour prendre un bus, mais Kiki étant seul réveillé dans le lit, il ne pourra pas en discuter avec Kikinette. Ce n’est que bien plus tard qu’elle ne se lèvera et que nous irons prendre notre petit-déjeuner. Un œuf, un peu de fromage blanc, du beurre sur du pain et une tasse de thé plus tard, nous pouvons partir.

Cela sera surement la journée la plus difficile pour Kiki depuis le début du voyage. Le manque de sommeil, les maux de ventre et la fatigue dans tous les muscles n’aideront en rien à réaliser les kilomètres du jour. Un parcours du combattant où nous avons dû nous arrêter à de multiples reprises pour que Kiki reprenne son souffle. La route n’était pourtant pas bien difficile aujourd’hui, mais parfois, il faudrait mieux ne pas aller au-delà de son état. Kiki s’en souviendra dans le futur. Nous traverserons plusieurs petits villages. Dans l’un d’eux, de chaque côté de la route, des petites cabanes avec à l’intérieur des femmes préparant de gros pains plats. Au moins une vingtaine comme ça. Toutes à préparer la pâte, à la plonger dans une sorte de grande marmite, puis à l’étaler, la façonner et la faire chauffer sur ces petits fours en forme de dôme. Il était impossible pour nous de ne pas nous arrêter pour en prendre un, bien chaud, qui nous servira pour le déjeuner. A ce moment-là, c’est dans un arrêt de bus que nous nous arrêterons, à l’abri du soleil bien haut et chaud, pour déguster notre pain avec du saucisson. Là, deux jeunes viendront à notre rencontre pour nous parler et savoir ce que nous faisons. Au moment de lui demander si ils savent où nous pouvions trouver de l’eau, voilà l’un des jeunes prendre nos gourdes, partir dans une maison à côté et nous les remplir. Les azéris sont vraiment exceptionnels et gentils.

En chemin, pour la première fois depuis la Turquie, nous rencontrerons des cyclistes alors que nous faisions une pause. Cela nous a paru bizarre car nous n’en avions croisé aucun en Géorgie (mais compte tenu de la météo, cela semblait plutôt logique), et nous nous demandions donc si dans ces régions du monde, le vélo était un sport pratiqué. Et nous voilà à repartir pour arriver à notre point de chute, encore une fois bien en hauteur, à croire que toutes les villes que nous voulons faire ne sont pas dans le bas de la vallée mais juste en contrebas des montagnes. C’est par une large et surement très neuve deux fois deux voies que nous entrons dans la ville. Pour la première fois, nous apercevons quelques immeubles, mais en sachant qu’il s’agit d’une station de ski, nous comprenons pourquoi ce type de bâtiment existe ici. La ville n’est pas bien grande, pourtant elle compte un nombre de grands hôtels qui nous fait nous poser des questions quant au tourisme mis en place dans le pays. Il n’y a pas de demi-mesure, pas de « petits » hôtels, juste des grosses structures pour accueillir une clientèle très fortunée. Pour notre budget, nous nous rabattrons sur le seul hôtel « bas de gamme », un trois étoiles, à 75AZN la nuit. Les chambres sont immenses, le personnel au petit soin, et nous y trouverons un très bon confort. Kiki n’en sortira pas, dormant pour rattraper sa nuit, et Kikinette partira à la recherche d’alcool à brûler que nous n’arrivons plus à trouver dans les boutiques depuis la Turquie. Mais il semblerait qu’ici aussi en Azerbaïdjan, ils ne connaissent pas ce type d’alcool. Dommage pour nous. La soirée commence à tomber quand un énorme orage, encore pire que la veille commence à s’abattre. A croire que l’anticyclone dans le pays est assez spécial, avec des températures très élevées en journée avec un grand soleil, et des pluies diluviennes le soir venu. Si forte étaient la pluie et le vent que l’eau passait à travers nos fenêtres pour venir créer une petite piscine en dessous. L’étanchéité n’a pas été bien contrôlée ! Cela ne nous empêchera pas de bien dormir alors que 22h00 sonnait à peine.

Data depuis le début 

  • Kilomètres parcourus : 208,75
  • Temps de déplacement : 12h34m10s
  • Altitude : 1967+ / 1662-
  • Calories dépensées par personne : 6256

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