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Jour 84 – Qabala à Ismailli

Une petite journée s’entame pour nous. Peu de kilomètres au programme, un temps magnifique, nous avions l’adresse d’une guesthouse en plein centre-ville, tout pour plaire. Sur le papier. Dans les faits, oui, la route a été plutôt tranquille. Nous pouvons constater depuis notre arrivée en Azerbaïdjan que la conduite des automobilistes est vraiment à l’opposé de la Géorgie. Oui, les gens doublent parfois, mais cela reste vraiment rare. Dans la plupart des cas, ils respectent les limitations de vitesse, nous doublent avec beaucoup d’espace, et le klaxon ne semble pas dans leurs habitudes. Un régal pour nous à ce niveau-là. Les routes elles n’ont toujours pas changé hélas, mais nous nous y faisons, et nous ralentissons notre allure.

Ismailli nous ouvre ses portes. D’abord quelques habitations éparses, quelques commerces, puis voilà que le grand mur continue de la ville se dresse devant nous. Nous arrivons par le Nord de la ville, et l’architecture du mur veut ressembler à un ancien château fort. C’est assez « grossier », mais l’effet est intéressant. En face de celui-là se dresse un autre mur qui fait plus penser au Japon médiéval. Il y en a pour tous les goûts niveau architecture en Azerbaïdjan. Impossible sur le GPS de trouver la rue, alors s’entame la recherche à l’ancienne, en demandant à chaque personne dans la rue que nous croisons. Au bout de plusieurs essais, nous tombons sur la rue. Longue de plus d’un kilomètre, nous la parcourons une première fois sans jamais trouver la guesthouse. Nous demandons dans le voisinage, personne ne semble connaitre, mais tout le monde nous dit que c’est la bonne rue. Nous ferons au final trois fois la rue sans jamais trouver, après avoir demandé à nous ne savons plus combien de personnes qui ont eu la gentillesse de nous aider. Qu’à cela ne tienne, nous commençons à errer dans la ville à la recherche d’un hôtel que semble indiquer le GPS. Mais ce dernier semble être fantôme car nous ne le trouverons pas non plus. Alors en dernier recours, nous nous arrêtons demander de l’aide à un policier dans la rue. Nous commençons à lui expliquer notre recherche, un deuxième policier arrive, il parle anglais, et nous dit de suivre le premier qui va nous emmener quelque part pour la nuit. Nous voilà à suivre sa Lada blanche jusqu’à la sortie Sud de la ville, dans ce qui semble être plus un restaurant qu’un hôtel. Et là, nous tombons sur une sorte de camps de vacances avec plusieurs petites maisons. Rien ne pouvait nous permettre de l’identifier comme un endroit où dormir, et sans l’aide des policiers, nous ne l’aurions jamais trouvé.

Le policier parlant anglais nous rejoint alors pour nous aider à négocier le prix de notre « maison ». Deux chambres spacieuses, un grand salon avec une table pour manger à huit facilement et notre propre salle de bain. Il nous annonce le prix du gérant, nous ne négocions pas vu que cela nous parait plus qu’honnête pour la qualité de l’hébergement. Il était prêt à nous amener ailleurs si cela était trop cher pour nous. Mais la fatigue ne nous poussait pas à vouloir tenter le diable ailleurs. Surtout qu’il nous avait dit juste avant qu’il n’y avait pas d’hôtel en ville. Nous discutons avec lui un moment, posons nos affaires, puis il nous invite à prendre le thé avec lui. Lui, c’est Mahir, le chef des forces de police d’Ismailli, qui gère une centaine d’hommes dans la ville, et aujourd’hui c’est le jour de l’Indépendance en Azerbaïdjan. C’est dans ces moments là, quand rien ne va qu’il y a toujours une petite ficelle qui est tirée pour placer sur notre chemin une aide providentielle. Aujourd’hui c’était Mahir, et avec lui, nous passons une excellente journée. Après le thé, Mahir doit retourner au poste travailler, mais il nous promet de revenir un peu plus tard pour nous ramener de l’alcool à brûler et des drapeaux azéris. Nous lui avions demandé juste avant où nous pouvions nous en procurer, il nous a répondu qu’il s’en occupait. Kiki étant encore malade, le centre-ville plutôt loin, nous décidons de nous reposer le reste de l’après-midi. Nous partirons juste faire un tour de voiture avec le second de la police pour retirer de l’argent. Faire un tour dans une Lada conduit par un policier est vraiment hors du commun, nous le notons dans les choses qui sont maintenant faites. Mahir fera un passage éclair autour de 18h00 pour nous offrir les présents, avant de repartir diner de son côté et revenir ensuite vers 20h30 pour passer la soirée avec nous.

Quelle soirée ! Il nous avait promis de ramener de l’alcool local, nous avons eu le droit de tester à une vodka pure réalisée à partir de sortes de mûres blanches. Une fabrication artisanale et naturelle comme il nous la présente, qui avoisine les degrés de l’alcool à brûler qu’il nous a ramené pour notre réchaud. C’est autour d’une petite bouteille de cet alcool, de deux bières, de chips et des sortes de petites tomates vertes croquantes que nous passons la soirée. Une de nos « traditions » en Europe l’intrigue. Pourquoi les hommes et les femmes ne se marient pas quand ils sont ensemble. Intrinsèquement, la question du divorce et de qui s’occupe des enfants est là. Nous essayons de lui expliquer nos mœurs, que souvent les gens n’arrivent pas à rester ensemble, à être fidèle, à vouloir la même chose, que le mariage est plus une histoire administrative aujourd’hui et que seuls les croyants continuent de se marier. Lui nous explique qu’il a rencontré sa femme, puis rencontré toute la famille, et que trois mois plus tard ils étaient tous les deux mariés (et maintenant avec deux enfants de 1 et 5 ans). Le passage auprès de la famille reste important dans la culture azérie, chose que nous avons depuis longtemps oublié par chez nous. Nous apprendrons au passage que le pays a eu son indépendance en 1991, son premier Président en 1993 (Heydar Aliyev) et qu’en 2003, son deuxième Président fut le fils du premier (Ilham Aliyev). Une chose « peu commune » pour nous qui pourrait s’apparenter à d’anciennes systèmes féodaux, mais ici, la population semble adorer ce Président qui semble redresser le pays. Nous ne pouvons pas juger de la véracité des faits, ne connaissant strictement rien au fonctionnement du pays. Les discussions continueront une bonne partie de la nuit, aussi bien sur notre voyage, sur nos familles, sur sa famille (et son fils faisant du vélo), sur le vin, sur la gastronomie azérie (et la fabrication de ses alcools locaux), sur un peu tout et n’importe quoi, avant que Mahir n’eusse à nous quitter. Si aujourd’hui, jour de l’Indépendance, la journée a été moins chargée, demain, le rythme normal reprend dès 7h00 au poste. Il est plus de 23h00, nous nous quittons là-dessus, heureux d’avoir pu en apprendre plus sur la culture locale.

Jour 85 – Ismailli à Şamaxı

Le soleil commence doucement à envahir la petite maison. Le temps de se lever doucement nous aussi, nous rangeons un peu nos affaires. Le petit-déjeuner nous sera servi à table ce matin. Ici en Azerbaïdjan, ce repas semble être identique partout, puisque nous avons à chaque fois du pain, du fromage, des concombres, des tomates, des œufs et du thé. Même Kiki qui adore le fromage commence à en faire une overdose. Il faut dire qu’il ne s’agit pas non plus d’un fromage au gout très prononcé. Il est plutôt neutre, sans réelle saveur, ne sachant pas si il doit être à pâte molle ou dure, mais il fait son office pour nous remplir l’estomac. Le partage est équitable le matin, Kikinette s’occupe des œufs et concombres, Kiki du fromage et tomates. Nous vérifions une dernière fois de n’avoir rien oublié, puis nous partons sous un soleil de plomb. Il n’est que 10h00 pourtant. La Géorgie nous semble bien loin avec ses gros nuages et ses pluies.

Tout aurait pu être parfait quand en sortant d’Ismailli nous voyons un panneau indiquer 52km pour rejoindre Samaxi. Tout aurait pu l’être. Mais cette journée sera surement la pire pour nous depuis le début de l’aventure. Nous alternerons montées et descentes tout du long. Juste avant de nous arrêter manger, nous aurons notre première grosse côte sur plusieurs kilomètres. Le pire dans ces moments là, c’est de terminer une magnifique descente, puis de voir au loin la route, de suivre son tracé, et de constater impuissant que le bonheur léger procuré par la descente s’estompe en un battement de cœur quand la route elle vous fait remonter encore plus haut. Il s’agira de la première que nous réussirons non sans mal à grimper. Nous croiserons sur la route de nombreux « petits » restaurants. Toujours le même type de restaurant. Une maison principale puis dans un grand jardin, des petites pagodes ici et là avec des tables pour se reposer à l’ombre des arbres dans une verdure éclatante. Ces restaurants sont de véritables petits havres de paix. Nous nous reposons dans l’un d’eux, épuisés par l’effort, et la faim au ventre. Nous prenons notre temps, un peu plus d’une heure aujourd’hui pour souffler du soleil et de la montagne. Nous aurions dû nous arrêter encore plus surement…

Derrière nous attendait le pire de notre journée. Nous redémarrons pensant n’avoir plus qu’une descente et un peu de plat. Nous aurons une sacrée descente, nous poussant à plus de 61km/h. Du haut de la montagne, nous redescendons dans le lit de la rivière pour simplement avoir les yeux pour pleurer de voir que nous devons remonter encore plus haut. Un long chemin de croix s’engage alors pour nous. Il nous faudra plus d’une heure et demi pour faire les cinq kilomètres. Si nous arrivons tant bien que mal à faire la première moitié sur les vélos, nous jetons l’éponge quand la côte déjà à 12% augmente encore plus. Le soleil, le poids des vélos et la montée nous obligent à nous arrêter presque tous les 500 mètres pour boire abondamment et nous reposer. A l’ombre d’un arbre, deux camionneurs viennent discuter avec nous, mais hélas pour nous, ils descendent. Un peu plus haut, c’est un policier qui vient nous demander de nous remettre sur la route à droite tout en rigolant de nous. Nous passons sur l’intérêt de la demande qui n’est pas très intelligente en termes de sécurité, essayons d’oublier son petit air moqueur, et nous nous exécutons, toujours dans la douleur. Quand nous arrivons enfin au sommet, notre soulagement est total. La ville est en contrebas, il n’y a que de la descente.

Du moins, c’était bien l’objectif. Que de la descente. Nous partons alors à la recherche d’un hôtel pour passer la nuit. Une seule condition aujourd’hui pour Kiki, que ce dernier ait Internet pour qu’il puisse régler son problème de drone. Le premier est intéressant niveau financier, mais pas de WiFi. Cinquante mètres plus loin, un autre hôtel, mais là même chose, pas de WiFi. Nous traversons alors toute la ville pour en trouver un autre. Là le gérant nous annonce qu’il n’y a pas le WiFi mais qu’il peut partager sa connexion depuis son téléphone. Nous partons cent mètres plus loin pour un autre petit hôtel. Personne ne parle anglais, tous essayent de nous parler en russe. Une personne fait visiter à Kiki les chambres plutôt correctes et lui affirme qu’il y a du WiFi. Sauf que dans les faits, Kiki avait pris son téléphone pour être certain cette fois-ci. Rien. Nous repartons. Et là, toute la descente que nous avions fait dans la ville, nous avons dû la faire en sens inverse, et monter tout en haut de la ville pour trouver le seul véritable hôtel de la ville. Un cinq étoiles en plein centre-ville. En voyant le seul immeuble de Samaxi, nous avons peur du prix qui va nous être annoncé. Nous demandons. Cela sera encore moins cher que de se faire un bon restaurant pour deux chez nous. Et là, nous avons une très belle chambre, l’accès à la piscine, au sauna, à la salle de sport et à un cinéma. Nous ne réfléchirons pas longtemps pour décider de nous y installer pour la nuit et nous y reposer.

Jour 86 / 87 – Şamaxı

Après l’effort, le réconfort comme le dit si bien l’adage. Au lieu de rester une journée, le confort de l’hôtel et le calme de la ville nous donnent envie de rester une nuit supplémentaire. Il faut dire que Kiki n’étant pas encore remis à 100%, la route nous séparant de Bakou étant bien longue, il vaut mieux savoir parfois s’arrêter plutôt que forcer inutilement. Nous pensons être seul dans l’hôtel. Nous avons bien vu quatre clients au petit-déjeuner le premier matin, mais depuis, nous nous baladons dans des couloirs déserts et des tables vides. C’est plutôt pratique pour nous. Nous n’aurons pas de voisins bruyants. Pour occuper nos journées, nous avons décidé de les scinder en deux. Le matin nous visitons, l’après-midi nous lézardons dans la chambre ou à la piscine. Ces deux jours nous permettent de nous remettre à jour dans nos écrits, nos photos, nos vidéos, mais surtout de prendre le temps de réfléchir à la suite. Et la suite va nous emmener dans des régions un peu plus désertiques que ce que nous connaissons aujourd’hui. Mais nous laissons ça pour plus tard, nous constaterons sur place, cela fera partie des joies du voyage.

Le premier jour, nous décidons de partir visiter le château de Gulustan. Kiki l’avait noté après l’avoir lu dans un guide, alors nous demandons notre chemin au petit matin à l’un des membres de l’hôtel. Depuis la fenêtre, il nous montre les montagnes en face de nous. Ce n’est pas la première, mais la deuxième. D’ici, nous ne voyons rien qui ressemble à un château. Alors nous partons à pieds pour une petite balade en plein soleil avec notre bouteille d’eau et nos appareils. Quelques kilomètres nous séparent seulement du château sur les cartes. Dans la pratique, il faut aller jusqu’à l’entrée du village de Böyük, puis tracer droit dans les herbes folles pour arriver en haut de la montagne. D’en bas, nous ne voyons rien non plus, juste une simple tour. Alors nous commençons l’ascension, y transpirons abondamment, nous griffons avec un nombre incalculable de plantes ou arbustes pour enfin arriver sur le sommet. D’en haut, nous ne voyons toujours rien de plus. Il y a bien quelques ruines, recouvertes aujourd’hui par la nature, qui peuvent laisser penser à une partie de la place forte… mais rien de plus qui puisse être « visité ». Nous nous contentons néanmoins de cela, en regardant le panorama grandiose sur la vallée qui s’offre à nous tout en haut. De la ville, notre hôtel semble être une pointe qui s’élance vers le ciel, ou simplement un bâtiment trop grand pour l’architecture azérie. Nous nous arrêtons un instant, avant d’entamer notre retour. Là, sur la petite route, un camion s’arrête. Le chauffeur nous demande notre direction, puis nous fait signe de monter. Nous voilà à quatre dans le camion à redescendre vers Samaxi. Il fait chaud, le chauffeur nous voit tout transpirant, il nous demande alors si nous voulons boire un thé. Une invitation qui ne se refuse pas. Nous voilà installé à une table avec notre thé, mais sans nos deux nouveaux amis. Etant en période de Ramadan, ils resteront à l’intérieur à discuter, sans boire ou manger. Nous les quitterons après avoir repris quelques forces pour rentrer paisiblement dans nos quartiers.

Le deuxième jour, la balade sera beaucoup plus courte, deux bonnes heures seulement, contre quatre la veille. A nous de visiter le cœur historique de la ville. Nous avions pu le voir brièvement en vélo en arrivant, alors nous descendons de la colline pour le voir de plus près. La visite se concentra principalement sur deux lieux : la Mosquée Juma et la maison musée de Mirza Alakbar Sabir. Pour le musée, nous avons eu le droit à une visite guidée par une personne essayant de nous parler russe et azéri. Nous comprendrons tant bien que mal l’essentiel de la visite. Sur deux étages, la visite retrace la vie de ce poète satirique azéri de la fin du 20ème siècle. C’est une série de dessins qui retiendra le plus notre attention, ceux-ci mettant en scène les aberrations de la société. L’un porte sur un combat entre Jésus et Allah pour savoir qui les croyants doivent prier. Un autre sur un riche homme interdisant l’entrée à la Mosquée pour un pauvre. Un autre sur deux soldats ennemis s’embrassant. Une vision intéressante à replacer dans le contexte de l’époque, pour se dire que déjà à ce moment-là il pouvait y avoir des débats sur ces sujets dans le monde musulman. Nous ne repartirons pas du musée s’en s’être fait prendre en photo une dizaine de fois par l’assistante qui semblait vouloir prouver qu’il y avait bien eu des visiteurs aujourd’hui, et sans avoir écrit un mot dans le carnet. Non, ce fut sans doute la Mosquée Juma qui nous laissa le plus rêveur ce jour-là. C’est un policier qui nous fera une visite privée et qui nous souhaitera bonne chance pour notre périple en vélo après nous avoir vu arriver dans la ville (nous devons surement être les seuls touristes présents en ce jour). Une vaste cour entoure la Mosquée pour permettre de s’y détendre à loisir. A l’intérieur, nous découvrons l’une des plus belles décorations que nous ayons pu voir pour l’heure dans une Mosquée. Plus de mille milles fidèles peuvent facilement prier dans l’enceinte des murs tant ses proportions sont grandes. Un pur joyau bâti en 743, puis restauré en 2013, après avoir connu entre temps un tremblement de terre, un incendie et un pillage. Notre regard se porte sur les plafonds, peint divinement, donnant une stature spéciale à ce lieu saint. Nous comprenons mieux pourquoi la ville a autant de renommé après avoir pu pénétrer dans l’enceinte de cette Mosquée. Une pépite architecturale qui vaut le détour.

Ici non plus, nous ne passons pas à côté des fortes pluies une fois la nuit tombée. Le ciel se déchaine encore et toujours plus. Nous restons là à le contempler déverser sur nous toutes ses larmes. Puis nous prenons nos appareils pour devenir pendant un bref instant des chasseurs d’éclairs. La tâche sera plus périlleuse qu’autre chose. Nous les verrons bien, mais jamais dans l’objectif. Qu’importe, nous sommes reposés, demain, l’aventure reprend.

Data depuis le début 

  • Kilomètres parcourus : 311,48
  • Temps de déplacement : 19h28m00s
  • Altitude : 3592+ / 3196-
  • Calories dépensées par personne : 10352

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